Tu dis sur les photographies
les choses sont toujours propres
Emmanuel HOCQUARD, Théorie des Tables, POL, 1992
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Tu dis sur les photographies
les choses sont toujours propres
Emmanuel HOCQUARD, Théorie des Tables, POL, 1992
Maternelle dit-on, mais ce serait plutôt du père que l'on tient la langue qui fait le lait pour nourrir nos pensées,
l'alphabet au commencement, à la genèse, en tête dit-on aussi parfois, de tous les livres possibles
de tous les visages pleins de promesses, de tous les mondes à délier dans la génération capricieuse des lettres
Ce lilas s'effeuille.
Il tombe de lui-même
et cache son ancienne ombre.
Je dois mourir de choses de ce genre.
Alejandra Pizarnik, Extraction de la pierre de folie, 1968
Ce seringa exhale.
Il s'enivre de lui-même
et rêve son ancienne naissance
Je dois grandir de choses de ce genre.
Ce marronnier s'étoffe.
Il prospère de lui-même
et habille son ancien squelette
Je dois m'épaissir de choses de ce genre.
Ce cyprès se morfond.
Il s'endeuille de lui-même
et oublie son ancien prestige
Je dois m'élancer de choses de ce genre.
Ce cèdre se bâtit.
Il s'abrite de lui-même
et héberge son ancienne sécheresse
Je dois m'abreuver de choses de ce genre.
Seulement signe
O allume
tes yeux
de la couleur de naître
Alejandra PIZARNIK, Œuvre poétique, Actes Sud, trad. Silvia Baron Supervielle, 2005
...
Nous avons tout ce temps pour nous.
Tout le temps de peser nos phrases, car la venue du froid
n'est pas en elle-même un événement.
Les anciens mots conviennent aux situations nouvelles
et les vieux commentaires nous serviront bien encore cet hiver.
User des mêmes mots sera notre manière
de nous taire sans avoir l'air de laisser mourir
la conversation.
...
Emmanuel HOCQUARD, Les élégies, POL, 1990
Ce ne serait que trois voyelles
vibrantes au bas d'un mur d'avril
devant la force d'un pissenlit
ou aux confins d'une pommette
pour l'effluve d'un regard tangeant
Et encore en mille autres lieux
comme autrefois de Liberté
on écrivit le nom
Trois voyelles
qui boudent des lèvres trop sèches
méprisent les palais inutiles
et toute la peine de leurs pierres
Trois voyelles entrevues
où personne jamais n'écrirait
ni prénom ni idéal
mais où l'on goûte enfin
toute enfance ressouvenue
à la chair du monde
Trois voyelles qui diraient simplement
d'un souffle
oui
travail
de nuit
silence
de l'aube
l'horloge
muette
de l'araignée
Préférant cheminer débobinant le fil infini des circonvolutions de rêveries nébuleuses ou de corvées inventées, je tourne tout autour, pour ne pas les voir, et surtout ne pas m'en occuper, de quoi ? de mes affaires, celles qui se comptent en temps et en argent, espèces sonnantes aux oreilles les plus nombreuses. À demain toujours remises, elles sont le prix pour le pain quotidien d'une quiétude, sucrée d'autres intranquillités.
Ne pas m'occuper de mes affaires.