Les lignes du papier ni le tracé des lettres ne pourront contenir la langue, qui glisse sur le papier
librement comme les sons dans l'air sans relief ou les images dans la soie des esprits en partance
Un mot peut être exact, la langue jamais, qui charrie tout le limon nécessaire à en brouiller le génie
sous l'apparence de musique réglée où se rangent les lettres, le plomb laissant aux pieds toute liberté
La grammaire donne la justesse à la langue, qui l'étend en tous sens, jusqu'aux danses et aux transes de la folie
et les sons se départissent des barreaux de la portée, s'affranchissent de leurs racines et volent en symboles
débarrassée du squelette de ses lettres, à tire d'aile la langue s'éploie toute de nerfs et de muscles
toutes les piles de tous les ponts du mot sont sapés pour que filent en silence des idées flottées
On pourrait s'imaginer la langue, lumineuse et ailée, triomphante des vents malgré un équilibre précaire
pensée aérienne, mais qui se répandrait en vain, si délestée de la pierre de ses lettres et du bois de ses sons
Il faut qu'une aïeule lègue sa maison riche de mémoire à la langue, que cette grammaire permette la génération
assure la lignée, la succession des œuvres des hommes, les magistrales comme les intimes, et accouche une culture