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1916 : AUTRE DIMENSION
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Christian VIGUIÉ contre l'HABITUDE du MONDE
Pour entamer l'année, un texte en forme de mode d'emploi pour poète :
La plupart du temps
je me tais et j'écoute
je surprends des phrases simples
Elles servent à ramener
et à hisser une chose qui grince
avec la poulie du soleil
Après cela
je réfléchis à cette langue
et à cette corde
que l'on abandonne
et que l'on peut reprendre
à tout moment
Je pense à leur utilité
tressée par la banalité
ou l'émerveillement
à leur façon de faire grincer
l'habitude du monde.
Christian VIGUIÉ, Revue ARPA n° 102.
Ou en forme de voeux :
que 2012 soit une année de simplicité, d'écoute et d'émerveillement,
une année sans grincement qui ne soit touché par le soleil.
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Jacques IZOARD et les ÉTINCELLES
Qu'épaule se brise
et que les os s'émiettent !
Que la langue aussi
s'amenuise !
Ainsi le corps pulvérisé
ne sera qu'étincelles !
Jacques IZOARD, Dormir sept ans, La Différence, 2001.
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La LANGUE : Roger LAHU (à l'USURE)
Roger LAHU pointe des expressions toutes faites, et se révolte doucement contre leur absurdité. N4728 n°16 en rassemble quelques spécimens sous le titre "Comme on dit" :
"mets-y un peu du tien"
du mien ?
que voulez-vous
que j'abandonne
un organe
un membre
une pensée fugitive ?
et au pied de quelle pieta
déposer
ce don ?
à quel mur
accrocher
ces pitoyables et sanguinolents
ex-voto ?
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Jean-Pascal DUBOST, à la LAMPE FRONTALE
Allez dans la langue, l'obscurité en vaut la chandelle
Jean-Pascal DUBOST, extrait d'un chantier en cours, publié par N4728.
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La LANGUE des CAVERNES
Henri MALDINEY a dit de la poésie qu'
elle s'enracine à l'origine du dire, à sa lucidité de puissance première.
puis, qu'
elle réduit la part de langue instituée au profit de la parole, risquée.
L'art, l'éclair de l'être, Comp'Act, 1993.
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Camille LOIVIER: la LANGUE de l'AUTRE
Camille LOIVIER dit ici - entre autres (belles) choses - que la poésie consiste à user de sa langue maternelle comme d'une langue étrangère. -
SIMÉON et la FONCTION SOCIALE du POÈTE
Dans le n°15 de la revue N4728, Jean-Pierre SIMÉON en appelle à une pratique de la poésie moins craintive d'elle-même:
« ... sera-ce si sot d'affirmer qu'au sein des processus sociaux la poésie manifeste (pour ce qu'elle est, non ce qu'elle dit), une objection aux usages détériorés de la langue, qu'elle indique le chemin d'une émancipation intellectuelle et affective possible dans et par la langue, qu'elle est l'éloge inconfortable de la complexité dans la saisie du réel, et que par la radicalité même de sa prise de parole qui cherche, même maladroitement, une vérité nue, elle suscite chez qui la rencontre un sursaut de conscience? Nous n'aurions plus rien d'humain si le langage en nous devenait tout à fait servile, disait Bataille. Voilà la fonction du poète telle que son urgence se définit aujourd'hui: donner les preuves d'une liberté sans compromis dans le langage pour préserver l'humain - puisqu'aujourd'hui, par mille canaux sophistiqués, un langage servile pénètre en nous, qui sature la conscience de sens impératifs. »
En gras, ce qui provoque en moi une revancharde jubilation (privilège du blogueur, jubilant d'autant plus que cette note est la 300ème, écrite Sur du Vent).