Ce matin, je l'ai traversée à gué. Mes pieds blancs dans l'eau comme ceux d'un enfant. Au-dessus, le reflet de mon âge filait avec la rivière.
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Ce matin, je l'ai traversée à gué. Mes pieds blancs dans l'eau comme ceux d'un enfant. Au-dessus, le reflet de mon âge filait avec la rivière.
Le silence seul parle
Par silence j'entends ce qui sourd de moi nécessairement, mots, phrases, dégagés du souci de se faire entendre, mots ou phrases détachés de l'envie de se faire aimer, du désir de jouer quelque personnage que ce soit. Tel souci, envie, désir, est un pervertisseur du langage. Bien sûr je ne suis pas idiot au point de penser que j'écrirais pour moi seul, qu'une très ancienne tentation de surpasser mon père n'a pas trouvé là son truchement, et que je n'écrirais pas pour que les yeux des femmes et des hommes brillent lorsqu'ils me regardent. Mais si le prix de mon effort est l'accomplissement de cela qu'au moins j'ai comme Rimbaud dans la Corne de l'Afrique pesé l'or sur une balance exacte.
Olivier de PIERREBOURG, revue N4728 n° 17 janvier 2010.
"c'est tout un poème"
oh oui
la vie
c'est tout un poème
très irrégulier
et de ces césures
à vous fendre
en deux tronçons
sanguinolents
sans rime sans raison
et les traîtrises
des jours
qui vous enfoncent leurs poignards
dans le dos pour signer l'oeuvre
Roger LAHU, Comme on dit, N4728 n°16.
Outre l'inanité de l'expression, Roger LAHU montre ici que le poème, comme toutes les autres manifestations de la vie, n'est pas forcément là pour faire joli.
Il est toujours bon de tordre le cou à cette idée coriace.
Roger LAHU pointe des expressions toutes faites, et se révolte doucement contre leur absurdité. N4728 n°16 en rassemble quelques spécimens sous le titre "Comme on dit" :
"mets-y un peu du tien"
du mien ?
que voulez-vous
que j'abandonne
un organe
un membre
une pensée fugitive ?
et au pied de quelle pieta
déposer
ce don ?
à quel mur
accrocher
ces pitoyables et sanguinolents
ex-voto ?
Allez dans la langue, l'obscurité en vaut la chandelle
Jean-Pascal DUBOST, extrait d'un chantier en cours, publié par N4728.
Dans le n°15 de la revue N4728, Jean-Pierre SIMÉON en appelle à une pratique de la poésie moins craintive d'elle-même:
« ... sera-ce si sot d'affirmer qu'au sein des processus sociaux la poésie manifeste (pour ce qu'elle est, non ce qu'elle dit), une objection aux usages détériorés de la langue, qu'elle indique le chemin d'une émancipation intellectuelle et affective possible dans et par la langue, qu'elle est l'éloge inconfortable de la complexité dans la saisie du réel, et que par la radicalité même de sa prise de parole qui cherche, même maladroitement, une vérité nue, elle suscite chez qui la rencontre un sursaut de conscience? Nous n'aurions plus rien d'humain si le langage en nous devenait tout à fait servile, disait Bataille. Voilà la fonction du poète telle que son urgence se définit aujourd'hui: donner les preuves d'une liberté sans compromis dans le langage pour préserver l'humain - puisqu'aujourd'hui, par mille canaux sophistiqués, un langage servile pénètre en nous, qui sature la conscience de sens impératifs. »
En gras, ce qui provoque en moi une revancharde jubilation (privilège du blogueur, jubilant d'autant plus que cette note est la 300ème, écrite Sur du Vent).
Jean MINIAC a livré à la revue N4728 pour son numero 15, des ruminations supposées s'extraire de l'esprit de Jean-Sébastien BACH:
« C'est l'histoire de ma fugue, arbitrairement séparée en épisodes distincts pour épouser le temps humain alors qu'en fait, elle l'outrepasse, elle n'a pas de fin.
Si tu veux porter les bribes de ton existence à cette autre dimension, alors rejoins-moi. Je ne suis pas juché très haut. Les yeux de l'amour contemplent le clavier tandis que les pieds ébranlent les cordes de la terre. »