Ce qui restera entre deux ratures, tu le nommeras poème. Un peu de terre remuée, un infime terrier de mots ou bien toute la terre s’arrondissant sous la main comme une pomme.
Gaston PUEL
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Ce qui restera entre deux ratures, tu le nommeras poème. Un peu de terre remuée, un infime terrier de mots ou bien toute la terre s’arrondissant sous la main comme une pomme.
Gaston PUEL
Lazare
J'habitais un corps lézardé. Il dut se fendre d'un coup : je reçus l'aube comme un baquet d'eau fraîche.
Quand la nuit n'est qu'une lie et que le regard n'ausculte que l'abîme, quel bonheur (je suis sûr de ce mot) de se hisser hors de la margelle ! Les mains meurtries touchent l'huile du jour ; le visage s'élance, plus léger que les jambes.
Est-ce l'innocence du matin ? La grâce d'un fruit cueilli ? Je ne sais, je ne saurai jamais. Mon cœur bat dans un homme étonné de se savoir en vie. Cela ressemble à un secret.
Le Cinquième Château, Éd. La Fenêtre ardente
À l'image écran qui donne tout à voir et dont la visée est comme un excédent du visible, ...à l'image écran qui nous fait tout voir comme nous ne l'avions jamais vu, ...l'image poétique s'opposerait en ce qu'elle a trait au «peu visible».
Martin RUEFF (Po&sie n°126)
De même que les mythes ont fait des aveugles des clairvoyants ou des prophètes, acceptons donc, amateurs de poésie, d'être des «peu voyants».
On lit à la poupe de cette embarcation portugaise : "les vieux sont fatigués"...
Ainsi nos pas se sont portés longtemps à l'avant des navires
plus pour le combat des vagues la déchirure des eaux
que pour l'aventureuse saison des îles
- nos pas imaginaires
...
Guy GOFETTE, extrait de Éloge pour une cuisine de province.
En général, le premier vers m'est donné, c'est le la du poème qui va suivre ou se perdre. C'est lui qui impose la tonalité du morceau, morceau que je ne quitterai qu'après le dernier coup d'archet.
Guy GOFETTE, dans Décharge n°143.
La neige n'y est pas encore, mais nous voici à la saison des labours...
Guetteur
Dieu des labours
Un corbeau prend la mesure
La plus incorrigible
Soulève
Le masque de la neige
Débusque la promesse du grain
Régis ROUX, Questions posées au paysage, Le Dé Bleu, 1998.
Pacte
Là-bas sur les remparts ruisselle la foudre
Ici autour de nos vivres l'âme suffoque
Partir ? Ici aussi la mâture chancelle
Mon pacte est un roncier
Je suis balafre
(le vent la ravive ou l'apaise)
Ainsi j'ai signé
La donation est ouverte :
Le sang des mûres aux oiseaux
Le mien à l'oubli.
in Terre-plein, Thierry Bouchard éd.
Aujourd'hui, brusquant l'adieu, les moissonneurs créditent, empruntent, amortissent. Ils souffleraient au cul de la terre pour activer les saisons !
Sont-ils riches ? Ils n'ont même pas un grillon pour l'hiver ; pas un grain de raisin pour le mourant de septembre.
Extrait de Les Moissonneurs, in Terre-plein, Thierry Bouchard éd.
Ce n'est peut-être pas au point de mourir dès ce septembre, mais le raisin d'ici s'annonce fort bon.