N'attends pas l'ultime ligne
Qu'on pourrait bien t'interdire
Pour demander à la mort
De te laisser tes racines
Comme à maints arbres qu'elle arrache
Distraitement l'hiver
Et qui le printemps venu
Reverdissent assez pour
Que l'oiseau le moins subtil
Hésite à s'en écarter sur l'heure
Ô mort diras-tu regarde
Mes survivants déjà s'apprêtent
À m'habiller en dimanche
Pour ma lente semaine de pourriture
À toi je ne demande
Qu'une brève illusion
De durée surnuméraire
Pas plus de temps qu'il n'en faut
À un chevreuil nouveau-né
Pour se tenir debout
Ainsi pourrais-je feindre
À mes propres yeux
De n'être qu'en congé
Jean ROUSSELOT, Passible de..., Autres Temps, 1999.
Poésie - Page 89
-
Jean ROUSSELOT : MÉMOIRES d'ANTE-TOMBE
-
Jean ROUSSELOT : POÉSIE BOTANIQUE
À force de pianoter à l'aveuglette
Sur le langage
Comme la pluie sur la terre
Peut-être ferons-nous pousser des choses
Nous aussiJean ROUSSELOT, cité dans Passible de..., Autres Temps, 1999.
Ajoutons un bon dicton d'actualité :Taille tôt, taille tard, mais taille en mars !
-
Un BONGIRAUD VAUT MIEUX que DEUX ANGLES DROITS
Pour Topa, qui déclarait hier ici-même sa méfiance des théories :
Tout est à angle droit.
Les boulevards, les immeubles,
les théories, plus de courbes,
de voies de dégagement,
d'aires de contradiction.
Uniformisation des jupes,
des outils, des talents.
Mais tout ce façonnage
est du vent
dans la cour du poème.
Jean-Michel BONGIRAUD, Mots d'atelier, Le Dé bleu, 1997.
-
Olivier BOURDELIER : MANIFESTEMENT SINCÈRE
La poésie que je goûte et cherche dans mes lectures, celle aussi que je tâche de composer, me paraît répondre aux quatre caractéristiques suivantes :
- L'émotion, l'intuition ou l'expérience qui fondent le poème sont intimement ressenties par l'auteur - ou le texte est froid, ou le texte est vain.
- Le poème doit pouvoir être offert en partage à des lecteurs avec une chance raisonnable de réussite - si la réussite , c'est le rare bonheur d'une page d'un auteur ignoré, dans laquelle on perçoit d'un coup une évidence jusqu'alors insoupçonnée.
- Son agencement validé au mot et au souffle près, le poème achevé est inaltérable. La plus infime retouche ne saurait que le trahir, l'appauvrir ou en fausser l'équilibre. Le poème abouti est un objet dynamique, animé d'un mouvement propre perceptible dès la première lecture, mais qui demeure insaisissable.
- En allégeance ou dans la discordance, le poème s'inscrit dans une continuité. Il peut s'affranchir - mais on ne peut pas l'abstraire - de la tradition et de l'héritage, des premiers travaux de son auteur, du contexte du recueil... Au sein de cette continuité, le poète se doit d'apporter du neuf, de donner à entendre quelque chose d'inouï... Une conception de la poésie s'esquisse : ni définitive ni péremptoire, pas la seule qui vaille bien sûr - mais elle vaut pour moi.
Olivier BOURDELIER, Considérations sur la rareté, Noniouzes.
Toujours plaisant de glaner ailleurs (pas très loin : d'un voisin mayennais, en l'occurrence) des conceptions sur la poésie, dont on ferait bien un manifeste.
-
Emily DICKINSON : les ESPÈCES COMMUNES
Poète était celui-là - il
Distille des sons ordinaires
Le sens qui nous surprend
Et la si haute essence
Des espèces communes
Qui meurent à nos portes
Que nous nous demandons comment nous-mêmes
Nous ne l'avons d'abord cueillie
Le découvreur d'images,
Le Poète, c'est lui,
Qui nous laisse par contraste
Que pauvreté sans fin
Si inconscient de son partage
Qu'un seul ne saurait le léser,
Il est pour soi une fortune
Tout extérieur au temps
Emily DICKINSON, Trad. Alain BOSQUET.
-
Michèle MÉTAIL : POÉSIE GÉNITIVE
l'alphabétisation de la lecture du comité du directeur de la maison de l'édition
la campagne de l'alphabétisation de la lecture du comité du directeur de la maison
la tenue de la campagne de l'alphabétisation de la lecture du comité du directeur
la bonne de la tenue de la campagne de l'alphabétisation de la lecture du comité
la chambre de la bonne de la tenue de la campagne de l'alphabétisation de la lecture
le député de la chambre de la bonne de la tenue de la campagne de l'alphabétisation
l'immunité du député de la chambre de la bonne de la tenue de la campagne
l'exemption de l'immunité du député de la chambre de la bonne de la tenue
la grâce de l'exemption de l'immunité du député de la chambre de la bonne
le délai de la grâce de l'exemption de l'immunité du député de la chambre
l'attente du délai de la grâce de l'exemption de l'immunité du député
la file de l'attente du délai de la grâce de l'exemption de l'immunité
l'indienne de la file de l'attente du délai de la grâce de l'exemption
la nage de l'indienne de la file de l'attente du délai de la grâce
l'écrevisse de la nage de l'indienne de la file de l'attente du délai
la marche de l'écrevisse de la nage de l'indienne de la file de l'attente
l'escalier de la marche de l'écrevisse de la nage de l'indienne de la file
la cage de l'escalier de la marche de l'écrevisse de la nage de l'indienne
la claire-voie de la cage de l'escalier de la marche de l'écrevisse de la nage
le barreau de la claire-voie de la cage de l'escalier de la marche de l'écrevisse
l'avocat du barreau de la claire-voie de la cage de l'escalier de la marche
le diable de l'avocat du barreau de la claire-voie de la cage de l'escalier
la beauté du diable de l'avocat du barreau de la claire-voie de la cage
l'institut de la beauté du diable de l'avocat du barreau de la claire-voie
la coupole de l'institut de la beauté du diable de l'avocat du barreau
l'académicien de la coupole de l'institut de la beauté du diable de l'avocat
l'habit de l'académicien de la coupole de l'institut de la beauté du diable
le vert de l'habit de l'académicien de la coupole de l'institut de la beauté
Michèle MÉTAIL, extrait du Poème Infini
-
Fred JOHNSTON : le FOND de la NUIT
À minuit sur la rue du solstice
Donne-moi ta main, le verglas est dangereux
les voitures boitent et la nuit est noire comme le chagrin :
nous pouvons mourir, par hasard, sur le miroir étoilé,
sous un ciel rouge-noir, et soyeux comme la peau de ma bite -
je suppose que le silence stident dans la rue est
le bruit fait par la neige qui tombe sur les toits musclés,
le lait gelé dans les bouteilles, des petites langues blanches
qui avancent, explorent le visage d'hiver, la Négresse,
Reine de la Lune ; au lit, tes cuisses sous mes doigts
sont froides au toucher.
Fred JOHNSTON, revue N4728 n° 17, janvier 2010.
-
OLIVIER de PIERREBOURG : un SILENCE de CORNE
Le silence seul parle
Par silence j'entends ce qui sourd de moi nécessairement, mots, phrases, dégagés du souci de se faire entendre, mots ou phrases détachés de l'envie de se faire aimer, du désir de jouer quelque personnage que ce soit. Tel souci, envie, désir, est un pervertisseur du langage. Bien sûr je ne suis pas idiot au point de penser que j'écrirais pour moi seul, qu'une très ancienne tentation de surpasser mon père n'a pas trouvé là son truchement, et que je n'écrirais pas pour que les yeux des femmes et des hommes brillent lorsqu'ils me regardent. Mais si le prix de mon effort est l'accomplissement de cela qu'au moins j'ai comme Rimbaud dans la Corne de l'Afrique pesé l'or sur une balance exacte.
Olivier de PIERREBOURG, revue N4728 n° 17 janvier 2010.