Le n° 10 de La Passe est arrivé chez ses abonnés, avec toujours pour principe le brassage des langues, la correspondance des itinéraires, la fusion des époques et, particulièrement pour cette livraison, la concordance des climats.
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Le n° 10 de La Passe est arrivé chez ses abonnés, avec toujours pour principe le brassage des langues, la correspondance des itinéraires, la fusion des époques et, particulièrement pour cette livraison, la concordance des climats.
Contresens fabuleux
au banquet de la vie, infortuné convive (Nicolas J.L.Gilbert)
Et la poésie ?
Pas de ce pain-là disent
Les fortunés convives
Et bâfrent rotent puis se curent
Les dents de l'âme avec leur cogito
Pendant ce temps deux mots
Qui s'amourachent l'un de l'autre
Sans se connaître
Engendrent peut-être sous la table
Le contresens fabuleux
Qui perpétuera le monde.
Jean ROUSSELOT, Passible de..., Autres Temps, 1999.
... le poète marche comme dans un poème invisible inauguré par un vieux marocain qui se penche sur un morceau de pain, le dépoussière, l'embrasse et le dépose dans la brèche d'un mur à la portée des oiseaux.
Mahmoud DARWICH, À Rabat, in Décharge n° 145, Trad. Mohammed El AMRAOUI.
Suit une évocation du poète par Anas ALAILI, très élégante également.
Dans le sens du bois
Interdits de séjour
Dans les jardins suspendus
De l'inconnaissable
Nous nous accommodons
De vivre à petit feu
Jamais en retard à la distribution des nèfles
Ou à la chasse au Dahu
Seul luxe
Ne nous travailler l'âme que dans le sens du bois
Seul espoir
Exister un peu plus que nécessaire.
Jean ROUSSELOT, Passible de..., Autres Temps, 1999.
De mémoire, le thème du sens du bois était déjà présent dans ZHUANG-ZI...
Comme le Christ sur le lac,
j'ai marché dans ma vision.
Mais je suis descendu de ma croix
Car je crains l'altitude.
Mahmoud DARWICH, cité par Michel MĖNACHĖ, in Décharge n° 145.
Ėcrit peu après un anévrisme de l'aorte, qui faillit bien le crucifier.
Carrefour des Dieux
à Gaston PUEL
Trahis parfois par une bulle
Que font les dieux sous la mangrove ontologique
Évoquent-ils en soupirant
Le temps où ils passaient au crible les étoiles
Tournaient la meule du soleil
Regarnissaient nos testicules
Et nous soufflaient de bonnes irraisons
De jouer les aèdes ou les matadors
Certains éclats furtifs dans l'eau sombre
Nous donnent à penser qu'ils se portent des toasts
Ou bien qu'ils s'affrontent au couteau
Pour déterminer qui d'entre eux doit devenir
L'unique.
Jean ROUSSELOT, Passible de..., Autres Temps, 1999.
Le poète trouve dans le rêve de quoi désarticuler le réel. Pour lui, il s'agit de la seule manière de libérer l'homme des contraintes idéologiques, et d'assurer à l'esprit des conquêtes inépuisables en donnant un plein effet réel à tout ce qui émanerait de cette source imaginaire.
Christophe DAUPHIN, revue Décharge n° 145.
Cette citation clôture une sinistre polémique mettant son auteur aux prises avec la revue, pour des raisons que l'on devine malheureusement étrangères au rêve...
Paul ĖLUARD avait le goût des anthologies. [...] Quand il propose en 1947 sa lecture d'un siècle de poésie, de Chateaubriand à Reverdy, il donne à ce survol un titre aux accents de manifeste : « Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi ». Et dans son préambule, il précise on ne peut plus clairement sa pensée : « Les professeurs de poésie étant conçus mais à naître, je me méfie des anthologies objectives. On nous apprend ici à mourir plutôt qu'à vivre, à se cacher plutôt qu'à se révéler. »
André VELTER, Préface à Paul ĖLUARD, J'ai un visage pour être aimé, NRF Poésie/Gallimard, 2009.