Les grenouilles qui coassent
sont les cœurs éphémères de l'eau
elles appellent comme une pompe
amorçant sa disparition
un soufflet attisant son envolée
La bulle est aussi une fleur
en ses pétales nuls
Laurent ALBARRACIN, Le secret secret, Flammarion 2012.
Poésie - Page 68
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Laurent ALBARRACIN et les GRENOUILLES
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Kiki DIMOULA : la MÉMOIRE qui TRICHE
Autoconservation
Ce devait être le printemps
car le souvenir qui arrive
saute par-dessus des coquelicots.
Sauf si la nostalgie
dans sa hâte,
a mal vu le souvenu.
Tout se ressemble tant
au moment de la perte.
Mais la mémoire est peut-être exacte
et ce fond étranger,
et les coquelicots issus
d'une autre histoire,
mienne ou étrangère.
La mémoire fait des coups pareils.
Par amour du beau ou par vanité.
...
Kiki DIMOULA, Le peu du monde, 1971,
Poésie-Gallimard, 2010, Trad. Michel Volkovitch. -
Georges GUILLAIN sur la PIERRE
puis assis sur la pierre elle
est chaude polie pourtant par l'eau
glacée - dedans la pointe d'un bâton de marche
qui bouillonne - juste le temps de reprendre souffle
avant de s'éloigner et d'emprunter peut-être une autre force
à l'usure immobile des choses - leur ombre qui grandit quand
on tourne le dos
Georges GUILLAIN, Avec la terre, au bout, Atelier La Feugraie, 2011
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La NUIT des ÉTOILES avec Lorine NIEDECKER
Matthieu DORVAL, Land's end, exposition au Port-Musée de Douarnenez en 2011.
Nuit illustrée constellations
d'horloge
et son retentissant
tic-tac stellaire
Je me lève bientôt
pour donner à l'univers
mes pichenettes
Lorine NIEDECKER, Clavecin et poisson salé
in Louange du lieu et autres poèmes, Corti
(trad. Abigail Lang, Maïtreyi et Nicolas Pesquès). -
Kiki DIMOULA : et VOGUE la BARQUE
...
Coûteuse idée, la vie.
On affrète un monde
pour faire le tour d'une barque.
Kiki DIMOULA, Je te salue Jamais, 1988,
Poésie-Gallimard, 2010, Trad. Michel Volkovitch. -
Kiki DIMOULA : l'AURORE aux DOIGTS de ROSE
À la mauvaise heure
...
Une rame blanche se réveille,
un toit bat des ailes,
un volet a frémi.
Un clocher se lève effrayé,
coupable : la foi doit se réveiller la première.
Première avant tout.
...
Kiki DIMOULA, Le peu du monde, 1971,
Poésie-Gallimard, 2010, Trad. Michel Volkovitch. -
Le 14 JUILLET de Gérard NOIRET
L'oracle
14 juillet aux Tuileries, ce mélange
de vanille, de manèges, de tirs à la carabine.
Mêmes les musiques sont olfactives.
Entre les statues, des couples s'arrêtent
avec l'espoir qu'une lie se dépose.
D'autres guettent au bord du bassin
des poissons à faciès de carpe,
lesquels, crevant la surface,
produisent des mimiques, des syllabes
articulées qui s'imposeront, subliminales.
Quant à la Grande Roue, il en descend
un clown selon qui, un jour,
il faudra bien se préoccuper
des milliard de morts dont les âmes,
à effet de serre, enserrent la planète.
Gérard NOIRET, Pris dans les choses, Obsidiane, 2003.
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Daniel BOULANGER au FOIN et à la GRANGE
retouche à la grange
au seuil du prince été faraud
reste une odeur de toile et gros sabots
ici l'ombre a le goût de la galette à fève
et ces belles allongées dans le foin des rêves
Daniel BOULANGER, Vestiaire des anges, Grasset, 2012.