La vie prend sa leçon
du mouvement de ce qui ne vit pas :
des constances de l'eau,
des décisions du vent,
des rythmes muets d'une pierre.
La vie prend sa leçon
des mouvements plus assurés qu'elle.
Roberto JUARROZ, Poésie verticale, Trad. R. Munier, Points Poésie Fayard, 1989.
Poésie - Page 71
-
La LEÇON de Roberto JUARROZ
-
Roberto JUARROZ et le FRUIT ÉTRANGE
Fruit à deux moitiés,
l'une croissant dans l'amer,
l'autre dans le doux.
Fruit peut-être de plus de deux moitiés,
dont la maturité semble être au-dehors,
dans une bouche sans goût
ou dans une rencontre avec la sève en bas,
avant que le tronc ne l'achemine.
Fruit qui ignore son arbre,
peut-être parce qu'il n'est pas d'arbre
pour un si difficile fruit.
La tombola de l'air
le réussit à la cinquième saison,
celle qui règne sous les températures.
Roberto JUARROZ, Poésie verticale, Trad. R. Munier, Points Poésie Fayard, 1989.
-
Sous l'ANGLE de Serge PEY
...
Car vivre c'est voir
d'un seul angle de la maison finie
en pensant qu'on voit
Car mourir c'est voir
de tous les angles de la maison infinie
jusqu'à ne plus penser qu'on voit
Serge PEY, Ahuc, Poèmes stratégiques, 1985-2012, Flammarion
-
BÂTON de PEY
...
Pour marcher sur un bâton
il faut tenir
un chemin à la main
ou lui glisser une bague
Tout bâton gît
sur la terre
comme une soustraction
abandonnée par ses nombres
Tout homme qui le ramasse
fait une croix
avec son ombre
et s'ajoute au chemin
qu'il soustrait
Tout homme
est une addition
retrouvée
...
Serge PEY, Ahuc, poèmes stratégiques 1985-2012, Flammarion, 2012.
-
Serge PEY en sa MAISON
...
Politesse de la poésie :
celui qui attend un invité
dans sa maison
doit frapper
à sa propre porte
pour inviter
celui qui entre
à entrer
...
Serge PEY, Ahuc poèmes stratégiques 1985-2012, Flammarion, 2012.
-
Pentti HOLAPPA... et HOP !
...
Tout est possible, peu importe.
L'indifférence est la haute pensée
qui règle le cours de événements.
...
Pentti HOLAPPA, Les mots longs, Poésie-Gallimard, 1997, Trad. Gabriel Rebourcet.
-
Kiki DIMOULA : ELLE S'EN VA la BELLE SAISON
Mimétique
Personne ne s'en rendait compte, et tu t'en allais.
Tu t'es incarné dans le départ
autre, entraînant,
de l'été.
Tu faisais comme faisait le temps :
rapetissant comme rapetisse le jour,
te décolorant comme les arbres
se décolorent. Tu suivais,
sans être vue, des caravanes de paysages,
qui lentement roulaient vers une autre face.
Et nous disions elle s'en va la belle saison.
...
Kiki DIMOULA, Le peu du monde, 1971,
Poésie-Gallimard, 2010, Trad. Michel Volkovitch. -
Laurent ALBARRACIN et les GRENOUILLES
Les grenouilles qui coassent
sont les cœurs éphémères de l'eau
elles appellent comme une pompe
amorçant sa disparition
un soufflet attisant son envolée
La bulle est aussi une fleur
en ses pétales nuls
Laurent ALBARRACIN, Le secret secret, Flammarion 2012.