(Voici la vieillesse amèrement lucide, tristement insensible
au mouvement des croupes qui, dans le déhanchement de l'été,
pouvaient autrefois t'éblouir jusqu'à la damnation.
Voici la vieillesse qui traîne sa vie de jour en jour,
comme si le corps était le même qu'avant-hier
et elle regarde sans compassion ni haine ses bielles aujourd'hui usées,
la chair emprisonnée dans les geôles du rêve et d'une chemise.
Pourquoi vouloir vivre seulement pour se survivre,
s'il n'y a pas moyen d'obstruer les fissures de sa propre statue
détruite lors du transfert du paradis où, nue, doublée,
elle était fière de se soumettre aux codes charnels.
Mais la proximité de la faille ultime et accueillante,
cette conscience de précadavre, ce qui revient au même,
nous fait envier, pour n'être pas ressuscité à temps,
l'amour attaché à la mort,
l'un décorant l'autre,
tous deux se méritant.)
Jorge Enrique ADOUM, L'amour désenfoui, trad. F-M Durazzo, Myriam Solal Editeur, 2008