À trop vouloir démonter les statues, on tombe sur des cœurs qui bougent à peine.
On devrait suivre le bonheur de plus près et ne retenir du monde que ses grands titres.
Isabelle PINÇON, C'est curieux, Cheyne, 1995
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À trop vouloir démonter les statues, on tombe sur des cœurs qui bougent à peine.
On devrait suivre le bonheur de plus près et ne retenir du monde que ses grands titres.
Isabelle PINÇON, C'est curieux, Cheyne, 1995
la fille la mienne je veux dire
l'enfant de ma chair la part
féminine de moi-même incarnée danse
sur le parquet "papa regarde" les tours
complets sur un pied ses nattes
volent d'un bout à l'autre de la pièce elle habite
mes yeux, exclusivement.
Thierry Le PENNEC, Un pays très près du ciel, Le dé bleu, 2005
On veut toujours construire des châteaux plus grands que soi quand on est un homme, c'est une manie dont on a du mal à se débarrasser. Mais dans les couloirs sombres circulent des fantômes qui n'hésitent pas à user de leur drap pour étrangler l'orgueil.
Les hommes alors tombent dans les oubliettes tandis que les femmes grimpent tout en haut du donjon.
Isabelle PINÇON, C'est curieux, Cheyne, 1995
Notre vie ressemble à dormir
on y rêve qu'il fait beau
de temps à autre une peur
casse tout de son orage
sans rien faire nous attendons
que la gloire nous couronne
les jours passent rien ne vient
mourir va nous laisser sans voix
seul à seule avec la musique
nos amours c'était la parole
Ludovic JANVIER, Une poignée de monde, Gallimard, 2006
L'œuf
La vieille dame essuie un œuf
avec son tablier d'usage
œuf couleur ivoire et lourd
que nul ne lui revendique
puis elle regarde l'automne
par la petite lucarne
et c'est comme un tableau fin
aux dimensions d'une image
rien n'y est
hors de saison
et l'œuf fragile
que dans sa paume elle tient
reste le seul objet neuf.
Jean FOLLAIN, Territoires, Gallimard,1953
Cigales
le temps crié par les cigales
est séparé de tout
protégé de tout autre
exposé jusqu'à l'os
corps
âme
résolus en cri
rythmes créatures divines
plus que musique
rythme
avec le bruit
ou cri impersonnel
qui ne crie pas
- chante ?
frottement d'élytres
le premier bruit :
allumage du feu dans la nuit des temps
Nous y sommes :
ici l'instant est le temps aboli
insecte sec
portant ainsi toute l'histoire
et l'humanité commençante
- finissante ?
Jacqueline RISSET, Les instants, Farrago, 2000
Au premier mot
j'ai compris que je faisais fausse route
dans ma bouche.
Claude ESTEBAN, Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard, 2001
Paroles
On parlait d'amours prétendues
à l'ancienne table
où travaillaient les vers
sur le fourneau le fer chauffait
la lentille cuisait sombre
par la porte ouverte
la beauté du feuillage amer
et des oiseaux à gorge rouge
devant les mots humains
que gouvernait une syntaxe éprouvée
resplendissait.
Jean FOLLAIN, Territoires, Gallimard,1953