Mathias LAIR indique dans Décharge n°139 pourquoi longtemps il a évité d'écrire.
C'est qu'il y voyait « un signe de mort, lié peut-être au spectacle qu'affronte un jour ou l'autre le tout petit enfant: l'adulte est là, le plus souvent assis, devant lui, il s'est immobilisé. Il ne regarde plus rien, les yeux fixes, il ne parle plus. Quand on lui tire la manche, il s'anime un peu, pour protester: « laisse-moi, je lis! » Ça a l'air de lui convenir, cette allure de cadavre. Telle est la première association de l'écrit à la mort que j'ai sans doute faite, moi aussi. »
La page est un linceul blanc, où un souvenir repose.
Littérature - Page 32
-
CI-LIT PAPA
-
OEIL pour OEIL, PIED pour PIED
Le Dr Bruno HALIOUA publie "La Médecine au Temps des Hébreux" (Ed. Liana Lévi).
Il y signale une définition inattendue, tirée du talmud, et donc deux fois millénaire, c'est dire si elle est empreinte de sagesse.
Selon cette tradition, le vieillard serait celui qui ne saurait plus, en équilibre sur un pied, se chausser l'autre.
Et puisqu'il fait beau, on invitera chacun à en faire le test dans le jardin, par précaution derrière un noisetier encore feuillu.
Bonne chance à tous!
-
L'ÉCRIT, PÈRE de L'OUBLI
Par sa fixité, l'écrit nous rassure, tandis que la parole, volatile, n'est pas digne de confiance.
Pourtant, dans le Phèdre, PLATON avait les préventions inverses, propres à son époque, comme l'expose Jean-Pierre VERNANT:
« Platon, déplorant l'invention de l'écriture, indique qu'en substituant à l'effort propre de la remémoration la confiance en des empreintes extérieures à l'esprit, elle permettra à l'oubli de s'introduire dans l'âme par absence d'exercice de la mémoire ».
-
Et VOGUE la BARQUE
Tirés d'un poème de Michael EDWARDS, ces vers qui donnent le tournis:
« La barque est le livre
Le livre est l'eau.
L'eau est celui qui lit »
Qui est qui? Qui fait quoi?
Nul ne sait.
L'écriture est un tourbillon.
-
PREDICTIONS: TRAHISON!
Jean-Aimé de CHAVIGNY était le secrétaire dévoué que se choisit l'ombrageux NOSTRADAMUS. Il mit grand soin à révéler tout ce qui pouvait rester de mystère dans les propos de son maître.
Le disciple, en le transcrivant en latin, posait alors les limites de sa fidélité.
C'est ce que raconte l'historien Bernard CHEVIGNARD:
« Chaque mot ne pouvait que recéler des ressources insoupçonnées, et le passage d'une langue à l'autre prenait vite des allures de tour de passe-passe... Chez Chavigny, la traduction se faisait volontiers trahison de la lettre par fidélité à l'esprit d'une vérité censément proférée par Nostradamus: cela fonctionnait comme une sorte de pressoir dans la cuverie du verbe - et l'interprète, aux prises avec des grappes de mots, s'efforçait d'en exprimer un sens nouveau en foulant allègrement l'ancien aux pieds. »
-
LATIN de LATRINES
Merlin, dans les récits gallois d'avant la christianisation du mythe, s'appelait Myrddin.
Lorsque Geoffroi de Monmouth, également gallois, mais latiniste, dut transcrire son nom, il en fit Merlinus.
Le remplacement du « d » par un « l » l'a sauvé du ridicule.
-
Les POUBELLES de l'HISTOIRE
A propos des sources écrites, censées délivrer les secrets du passé, ALAIN note:
"Quand on cherche quels sont ces faits, on trouve quelques papiers dont les rats n'ont point voulu. L'incendie, la moisissure, le balai et la chaise percée ont fait la critique des documents; ceux qui subsistent, par hasard, représentent la vérité historique".
S'il ne l'avait médité en 1970, il aurait pu mentionner aussi les formatages de disques durs.
Vu sous cet angle, ce que nous laisserons à la postérité prend un goût bien rance.
-
COMME une TOMBE
"Combien je regrette de n'avoir pas plus questionné mon père... Un vieillard est un livre qu'on néglige de lire".
A ce constat de Julien GREEN, répondait celui d'Hampaté BA: "Un vieillard qui disparaît, c'est une bibliothèque qui brûle".