Selon Georges HENEIN, "écrire est une façon de veiller.
De veiller sur soi et de veiller tout court. A rêves déployés.
Une chance de rester pur. Ou moins impur".
Le retrait et l'acuité de la chouette.
Puis, la poésie "est vouée à la recherche inquiète et incessante de l'autre lieu, elle ne peut choisir pour halte ni pour demeure le centre de gravité d'un monde pareil à un énorme chantier."
L'exaltation de la terre inconnue, et le mépris de celle que déjà l'on travaille.
Littérature - Page 34
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La CHOUETTE et le MARIN
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ALLITERA...SION
Dans son Journal, en 1936, Julien GREEN notait:
"Jamais un poète d'Israël n'a résisté au plaisir de l'allitération; c'est pour lui une façon souveraine de traduire la colère, l'indignation, la joie ou la frayeur; d'une certaine manière, on pourrait dire que l'allitération est sa langue. Avec une virtuosité dont les meilleures traductions françaises ne peuvent donner une idée, il multiplie les sifflantes et met en jeu le registre grandiose des gutturales. C'est le souffle vigoureux de l'éternel qui passe dans cette langue..." -
MANIFESTE
A l'heure où se vend aux enchères le Manifeste Surréaliste de Breton, on peut s'amuser - mais non pour en tirer profit - à rédiger un Manifeste SUR DU VENT:
Pas de dogme stylistique
Pas de tic vestimentaire (ni de fume-cigarettes!)
Pas une dégoulinure de désespoir (mais pas d'espérance béate!)
Pas de jargon mystique
Droit imprescriptible à la Fantaisie
Pas une larme sans sa réplique de pirouette
Incessibilité des dettes à l'égard de la sincérité
Discrétion dans l'érudition
Plaisir à dire l'ordinaire -
SEMPE et l'INFINI
Noël approche, et SEMPE publie un nouvel album.
Sur l'un des dessins qu'il contient, on voit un mathématicien, minuscule devant l'immensité de tableaux sur lesquels il a tracé à la craie des calculs et des formules qu'on devine très complexes.
En un recoin de son immense bureau, aménagé en kitchenette, il se fait cuire un oeuf.
SEMPE recourt à une bonne vieille technique de la poésie extrême-orientale.
Il fait voisiner l'infini et le minuscule, l'éternel et l'éphémère, le grand et le mesquin, l'esprit et l'estomac.
D'un côté, la science et l'intelligence, et l'espoir qu'elles font naître quand on les mettra en application pratique.
De l'autre, la craie, la faim, et l'oeuf au plat. -
La LITTERATURE EST UN PLAT...
On trouve dans la correspondance de Gustave FLAUBERT une lettre dans laquelle il moque avec vigueur une dame qui rendait régulièrement visite à ses parents, proférant force inepties.
Il avertit alors qu'il projette d'en collecter le flux pour en faire un livre recensant tous les possibles de la bêtise humaine.
Bouvard et Pécuchet pointaient ainsi leur nez. Le petit Gustave avait dix ans. -
FLOT BERBERE
Gustave FLAUBERT a ramené de son voyage en Egypte la description des dromadaires qui l'ont tant charmé, par leur démarche légère, comme flottant sur des nuages. Il les compare à des navires.
Peut-être est-ce la naissance de l'expression "vaisseau du désert"...
Mais peut-être pas: après tout, il n'est pas non plus le père de la phrase "Madame Bovary, c'est moi!". -
Un TRAIT PERSAN
Littéralement "rose et vin", l'expression persane "gol-o mol" résume ce que le monde peut offrir de plus désirable. On apprécie que ce bouquet se présente ainsi à l'oeil, avec tant de rondeurs.
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TOUS CONTRAINTS!
A la critique selon laquelle la contrainte oulipienne ne délie pas le texte de la main-mise de l'Inconscient de son auteur,
Jacques Roubaud objecte de sa voix malicieuse que, si le texte est personnel, la contrainte est collective.