Alain Pauzié, Musée d'art naïf et d'arts singuliers, Laval, 2019
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L'acte d'amour et l'acte de poésie
Sont incompatibles
Avec la lecture du journal à haute voix
...
André BRETON, Constellations, Gallimard, 1968
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Alain Pauzié, Musée d'art naïf et d'arts singuliers, Laval, 2019
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L'acte d'amour et l'acte de poésie
Sont incompatibles
Avec la lecture du journal à haute voix
...
André BRETON, Constellations, Gallimard, 1968
4, plomb
Flanquée de ses polices, l'actualité pèse de tout son plomb, impose le culte de ses images, et toute la musique du monde s'entonne d'un seul son de cloche, en forme d'entonnoir. Ce papier laisse de glace, froisse et chiffonne l'esprit en quête d'un verbe généreux, réhaussé des épices surprenantes de la poésie, qui imprimeraient un élan neuf à chacune de nos journées.
3, cube
On l'a posé sur une table comme en chaque maison de ce temps, ou comme en chaque café où l'on débattait du cours d'un monde non plus plat, ni sphérique, mais cubique à force d'être vu sous tous ses angles ensemble. Malgré l'horizon d'encre des choses, les guitares vibraient de caractères neufs, que des carafes en équilibre fragile tentaient de recueillir.
2, chaque jour
À chaque jour suffisait son temps pour les peines du monde, agrémenté de tabac brun ou d'une anisette puis replié sur le guéridon ou froissé dans la poche d'un imper. C'était avant l'eau courante et le gaz de ville, avant que se propage à tous les étages le débit quotidien de l'information répétée d'un angelus à l'autre mais cependant toujours de la même couleur.
1, l'actuel
Des écrits sans prestige, malgré colonnes et chapeaux, collectent et recensent tout l'actuel qui nous emballe tant, sur tout l'éventail des gris du ciel resserré de l'époque. Une partie entachera nos doigts comme un cambouis, remisée mauvaise conscience au fond d'une boîte pour emballer à son tour le tout-venant d'un bric-à-brac de sous-sol.
Lampe de Marcel WANDERS au Stedelijk Museum d'Amsterdam
Ce faisant, je reconnais la volonté et le besoin d'être clair, entendu quand je lis ou quand on me lit, compris ou pas compris c'est sans doute autre chose, moi je lis la poésie comme le journal, et en même temps il est nécessaire de consentir à l'obscur, à des zones plus opaques, faire que le poème advienne, qu'en quelques lignes on voie apparaître tout ce qui tient à un fil.
Bernard CHAMBAZ, Eté, Flammarion, 2005.
Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui.
Charles PÉGUY
Encouragés par Guy Darol dans un commentaire récent, nous trouvons dans La Vie Unanime de Jules Romains, ces quelques vers sur la guerre, telle que perçue par un qui ne la fait pas:
Je n'entends rien! Je n'entends rien! Rien ne tressaille;
Je n'ai pas le frisson charnel de la bataille;
La peur n'embrase pas mon torse d'animal;
Je bâille; mes regards traînent sur le journal,
Avec une lenteur tranquille de limaces,
Et les lettres ont beau me faire leurs grimaces,
ce morceau de papier n'est pas taché de sang.
...où l'on voit qu'alors, déjà, la vie humaine, la vraie, faite de chair, était l'absente de tout journal.
Ceci nous rappelle que, face à l'information, nous sommes bien mal armés...