Précipité de réponses, notre temps est servile pour les vérités et certitudes
puis en un vaste séjour, une nuit profonde garde nos corps étendus, un grand livre à la main
où tout reste à résoudre dans le secret d'une unique question
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Précipité de réponses, notre temps est servile pour les vérités et certitudes
puis en un vaste séjour, une nuit profonde garde nos corps étendus, un grand livre à la main
où tout reste à résoudre dans le secret d'une unique question
Ils avaient dormi tête contre tête et là, malgré ce voisinage physique, malgré cette coïncidence presque totale des attitudes, des positions, des souffles, la même chambre, le même oreiller, la même obscurité, le même tic-tac, les mêmes stimulants de la rue et de la ville, les mêmes radiations magnétiques, la même marque de café, la même conjonction planétaire, la même nuit pour tous les deux étroitement embrassés, ils avaient fait des rêves différents, ils avaient vécu des aventures différentes, l'un avait souri pendant que l'autre fuyait épouvantée, l'un avait repassé un examen d'algèbre pendant que l'autre arrivait dans une ville de pierres blanches.
Julio CORTAZAR, Marelle, Trad. Laure Guille-Bataillon, Gallimard 1966.
Selon les dires, le vieux avait glissé, l'auto avait brûlé le feu rouge, le vieux avait voulu se suicider, tout allait de plus en plus mal à Paris, la circulation devenait monstrueuse, ce n'était pas la faute du vieux, les freins de l'auto ne marchaient pas, le vieux était d'une imprudence folle, la vie était de plus en plus chère, il y avait trop d'étrangers qui ne comprenaient rien aux règlements de la circulation et qui prenaient le travail des Français.
Julio CORTAZAR, Marelle, Trad. Laure Guille-Bataillon, Gallimard 1966.
D'outre-notes, de bruits et de couleurs
la musique s'éparpille pointillée
redescend parlant en langues, barbares
Non plus aléatoires
les bâillements, les quintes de toux
des fauteuils ont glissé sur la partition
Tous borborygmes rangés en arias
John Cage ouvre la geôle
d'un trop étroit thorax
Hypocrite le crayon, qui annote les livres des bibliothèques
Injure, temps gâché ou carbone ne sont jamais effacés
La journée était un combat, le pain est la forme apaisée de son butin
Blanche la mie partage sa chaleur, quand ténébreux se trouble le visage de l'ennemi
Ce serait un ange mais il s'est évanoui ; ne me restent que les miettes de la boulange
Pour moi, écrire de la poésie, c'est comme descendre à la boulangerie et acheter mon pain.
Yehuda AMICHAÏ, cité ici par Emmanuel MOSES.
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l’histoire de l’orthographe française est avant tout une bataille des idées
un guide historique de Rome doit pouvoir servir de point de départ
l’appareil cochléaire est un sens toujours en éveil pendant le sommeil
on reconnaît chez les Orthoptères six sortes de chants différents
le jeu consiste à regrouper les mots qui sont égaux selon ce chiffrage
Michelle GRANGAUD, Action Poétique n° 151, Été 1998.
L’auteure explique plus haut la contrainte qui l’a menée à ce poème (d’actualité) :
Récemment, j’ai trouvé une autre façon de mettre au jour l’égalité dans la langue. Je chiffre les mots selon le principe simple, A = 1, B = 2, C = 3 etc. Le jeu consiste à regrouper tous les mots qui sont égaux selon ce chiffrage. C’est ce que j’appelle les idendités remarquables. On peut aussi bien chiffrer des vers, des propositions ou des phrases entières. Il suffit de disposer, sur l’ordinateur, d’un logiciel qui calcule instantanément le poids des mots, vers ou phrases.