Ils avaient dormi tête contre tête et là, malgré ce voisinage physique, malgré cette coïncidence presque totale des attitudes, des positions, des souffles, la même chambre, le même oreiller, la même obscurité, le même tic-tac, les mêmes stimulants de la rue et de la ville, les mêmes radiations magnétiques, la même marque de café, la même conjonction planétaire, la même nuit pour tous les deux étroitement embrassés, ils avaient fait des rêves différents, ils avaient vécu des aventures différentes, l'un avait souri pendant que l'autre fuyait épouvantée, l'un avait repassé un examen d'algèbre pendant que l'autre arrivait dans une ville de pierres blanches.
Julio CORTAZAR, Marelle, Trad. Laure Guille-Bataillon, Gallimard 1966.