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Sur du vent - Page 187

  • Louis ARAGON : à d'AUTRES le PRINTEMPS

     

     

    Maintenant que la jeunesse

    S'éteint au carreau bleui

    Maintenant que la jeunesse

    Machinale m'a trahi

    Maintenant que la jeunesse

    Tu t'en souviens souviens-t-en

    Maintenant que la jeunesse

    Chante à d'autres le printemps

    Maintenant que la jeunesse

    Détourne ses yeux lilas

    Maintenant que la jeunesse

    N'est plus ici n'est plus là

    Maintenant que la jeunesse

    Sur d'autres chemins légers

    Maintenant que la jeunesse

    Suit un nuage étranger

    Maintenant que la jeunesse

    A fui voleur généreux

    Me laissant mon droit d'aînesse

    Et l'argent de mes cheveux

    Il fait beau à n'y pas croire

    Il fait beau comme jamais

    Quel temps quel temps sans mémoire

    On ne sait plus comment voir

    Ni se lever ni s'asseoir

    Il fait beau comme jamais

    C'est un temps contre nature

    Comme le ciel des peintures

    Comme l'oubli des tortures

    Il fait beau comme jamais

    Frais comme l'eau sous la rame

    Un temps fort comme une femme

    Un temps à damner son âme

    Il fait beau comme jamais

    Un temps à rire et courir

    Un temps à ne pas mourir

    Un temps à craindre le pire

    Il fait beau comme jamais

     

    Louis ARAGON

     

     

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  • Roy LEWIS GÉNÉRALISTE

    homme,évolution,

     

    Nous étions arboricoles, et nous voici des animaux de plaine ; végétariens, et nous voici carnivores, sans avoir ni les dents ni les jambes pour cela. Mais justement, je crois que notre force viendra de ce que nous ne sommes pas des spécialistes. Faudrait-il nous remettre à quatre pattes et nous faire pousser des canines ? Ce serait rétrograde. Les lions et les loups savent chasser. Mais quoi d'autre ? Rien du tout.

     

    Roy LEWIS, Pourquoi j'ai mangé mon père, 1960 et 1990 pour la traduction française de Vercors et Rita Barisse pour Actes Suds.

     

     

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  • Gerrit KOUWENAAR TROP HOMME

    cage,

     

     

    LE LANGAGE

    Le langage appartient aux oiseaux
    Je suis trop homme pour voler
    Je reste là comme une maison sur le monde
    Et bâtie de terre épaisse

    Je suis à peu près celui
    Qu’abrite l’intérieur des murs
    Et qui coule derrière les fenêtres
    De la petite chambre bleue

    Elle sent l’amour et l’engrais
    Il y a une plante dans une cage
    Le langage appartient aux oiseaux
    L’homme s’abrite dans les mots.



    Gerrit KOUWENAAR, Action Poétique n° 91, mars 1983.

     

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  • Le TEMPS ROGNE Ossip MANDELSTAM

    arbres,

     

    Le froid chatouille mon crâne,

    Et comment l'avouerait-on -

    Moi aussi le temps me rogne,

    Comme il ronge ton talon.

     

    La vie se vainc elle-même,

    Et le son fond peu à peu ;

    Quelque chose manque à l'appel,

    Se souvenir est fastidieux.

     

    Pourtant c'était mieux naguère,

    Comparer n'est pas permis

    Comme le sang bruissait hier

    Et comme il bruit aujourd'hui.

     

    Sans doute n'est-ce pas sans risque

    Que ces lèvres-là remuent :

    L'arbre murmure et s'agite,

    Bien qu'il doive être abattu.

     

     

    1922

     

    Ossip MANDELSTAM, Le Deuxième Livre (1916-1925), Circé 2002, trad. Henri ABRIL.

     

     

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  • PAROLE FRUGALE

    I am,verbe,

     

    Sept formes pour un verbe, par le jeu des mirages, donnent sept verbes différents, à chacun sa tribulation

    Économie du désert où l'on bâtit de sable sur le sable, et parole frugale par manque d'eau à la bouche

    qui essaime cependant par-delà la sècheresse des dunes et disperse en tous sens tous ces précieux pollens

     

     

    ▶︎ Vent du jour : C'est de l'Hébreu, Travaux domestiques ▶︎ 0 vent(s) de la plaine Lien permanent
  • Alain FRONTIER en CHAIR et en OS

    dos,colonne vertébrale,

     

    Depuis longtemps déjà, l'auteur de ce texte est en train de mourir. L'auteur de ce texte connaît tous les organes qui, par leurs actions combinées, le maintiennent depuis longtemps déjà dans cette position d'attente. Il sait qu'il porte en lui cette dislocation presque soudaine qui (à la faveur d'une réaction en chaîne étonnamment rapide) lui fera perdre un jour sa verticalité, et le fera s'affaisser sur lui-même, et fera se disjoindre les parties de l'ensemble. Il sait qu'il est traversé de haut en bas par une colonne osseuse qui maintient les parties molles de son corps et l'empêche de s'affaisser. Toutefois quelques uns des segments qui la composent sont l'objet d'une érosion lente et continue, laquelle finit par occasionner d'irréversibles déboîtements, la masse qu'elle a pour fonction de maintenir est le siège d'une infinité de douleurs, piqûres d'aiguilles, tranchées, crampes, élancements soudains, le plus souvent très supportables, qui contribuent encore à dénoncer l'espace dans lequel elle est inscrite.

    ...

     

    Alain FRONTIER, L'inventaire des choses, une anthologie internationale de poésie contemporaine, Action poétique 2007.

     

     

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  • Frédéric FORTE DANS le DÉCOR

    voile,

     

    et si le mystérieux recèle / le moindre attrait / le moindre attrait / est dans le voile // de toi que je voudrais lever / lentement si possible / prenant le temps pour cible / et jamais achevé // envisager de loin / le point / de ton corps // ne pas faire moins / être le témoin / le décor

     

    Frédéric FORTE, Cinq sonnets à plat, L'inventaire des choses, une anthologie internationale de poésie contemporaine, Action poétique 2007.

     

     

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  • OISEAU en CAGE

    oiseau,

     

     

    Oiseau en cage

    oiseau de pas bocage

    viens que je t'étrille

    te prive de ton chant

    t'extirpe de ton champ

    circonscrive ton ciel à l'eau de ta mangeoire

    te dérobe ton vol

    te dépouille de ta robe

    plume ta queue plume ta tête

    sans leçon ni fromage

    juste pour t'avoir en cage

     

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