Le mur
Nous sommes debout devant le mur. On nous a ôté notre jeunesse comme notre chemise aux condamnés. Nous attendons. Avant que la balle grasse ne s’assoie sur la nuque, dix, vingt ans s’écoulent, le mur est haut et solide. Derrière le mur il y a un arbre et une étoile. L’arbre sape le mur de ses racines. L’étoile grignote la pierre comme une souris. Dans cent, deux cents ans il y aura déjà une petite fenêtre.
Zbigniew HERBERT, Corde de lumière, Œuvre poétiques complètes I, Le bruit du temps, 2011.
Poésie - Page 76
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Zbigniew HERBERT contre le MUR
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Zbigniew HERBERT au JARDIN
Le jardin botanique
C'est un pensionnat de plantes, dirigé avec rigueur comme les écoles de bonnes soeurs. Les herbes, les arbres et les fleurs, poussent avec décence sans luxuriance végétale, en se gardant des caresses interdites avec les bourdons. Elles sont retenues par leur dignité latine et le devoir d'être un exemple. Même les roses ont la bouche pincée. Elles rêvent d'un herbier.
Les vieillards viennent ici avec des livres et s'endorment dans le tic-tac des cadrans solaires.Zbigniew HERBERT, Cadre de lumière, Oeuvres poétiques complètes I, 2011.
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RIMBAUD : v'la JUIN
...
Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière ...
...Arthur RIMBAUD, Roman, 1870.
On souscrit.
Si les 17 ans sont loin, reste au moins la bière. -
Agnès ADDA : un NOM... ÉQUILIBRÉ
Équilibres
Le funambule, une flèche sur une corde
Muni d'un arc, il chuterait.
Le somnambule dévide sa pelote de songeNe l'interpelle pas, tu en couperais le fil.
Tangue la balance aux épaules du pêcheurPrête à chavirer, dans les marais.
Qu'une vibration n'échappe à l'ouïe de l'accordeurMaestro du ton juste.
Ne guette que les syllabes des angesCar la symphonie du Malin étourdit.
Bannir la période. Épouser la vibrationqui sille d'un son pur.
Agnès ADDA, Arpa n° 103.
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PRÉSIDENT TIMBRÉ
La pièce de cinq pesètes
La pièce de cinq pesètes
Je l’ai mise dans la fente
Du distributeur de timbres
Et j’ai pressé le bouton
J’ai reçu la petite image
D’un homme à face de furoncle
A dos collant
Sur celle-là je cracherai
Je l’écraserai du poing
Je l’enverrai
Loin
Faisant ainsi je ferai
Ce que font en attendant mieux
Bien des gens de ce pays(Barcelone 1966)
André PIEYRE de MANDIARGUES.
Les pesètes n'ayant plus cours - ni la chose, ni ce nom si désuet -, un bulletin de vote suffira.
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Les POETES ? Georges GUILLAIN leur dit MERCI !
Dans une contribution à POEZIBAO, Georges GUILLAIN tord le cou au péché d'élitisme habituellement attribué à la poésie :
Plutôt que de reprocher leur élitisme à ceux qui continuent à se vouloir poètes quand tout les pousse à tenter plutôt autre chose, de plus visible socialement, de plus rentable économiquement, ne devrions-nous pas plutôt les remercier de continuer à entretenir l’existence, la possibilité, d’un rapport au langage qui rompe avec cette "prolétarisation des esprits" à l’œuvre dans l’usage contemporain de la langue ? Les encourager à œuvrer dans les profondeurs de cette langue pour qu’elle cesse de n’être, par la pauvreté de ses propositions formelles, qu’un agent de fermeture de l’intelligence et de l’imagination ?
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Les ROSEAUX DELÉTANG-TARDIF
Il ne croit pas à l'immobile
son sommeil est plein de roseaux
qui cachent les dormeuses pâles
près de l'eau près du bonheur.
Yanette DELÉTANG-TARDIF, in Les poètes de l'école de Rochefort, Seghers, 1983. -
De FRANCE et de (Louis) ARAGON
Après la dernière note évoquant la pendule, il en fallait une pour le coq !
Coq
Oiseau de fer qui dit le vent
Oiseau qui chante au jour levant
Oiseau bel oiseau querelleur
Oiseau plus fort que nos malheurs
Oiseau sur l'église et l'auvent
Oiseau de France comme avant
Oiseau de toutes les couleurs
Louis ARAGON, Le nouveau crève-cœur, Gallimard, 1948.