
Le site du Nouvel Obs nous apprend que "pour 180 poètes, la poésie est en danger".
On y lit que
lesdits poètes ont donc lancé une pétition confidentielle
Incroyable, cette constance des poètes à toujours oeuvrer dans la discrétion !
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Le site du Nouvel Obs nous apprend que "pour 180 poètes, la poésie est en danger".
On y lit que
lesdits poètes ont donc lancé une pétition confidentielle
Incroyable, cette constance des poètes à toujours oeuvrer dans la discrétion !
Chaude émergence du matin
les crêtes affirment leur grande infirmité
le chaos nocturne n'est pas chassé
on a vu ici un renard
préférer la mort à la lumière
en tout cas l'histoire circule
de tablée en tablée
maintenant le premier oiseau chante la gaieté de la neige au goût d'éveil
l'innocence se retrouve et se féconde
il dédaigne la traîne précieuse sous ses pieds
Emmanuel MOSES, Figure rose, Flammarion, 2006.
Le mur
Nous sommes debout devant le mur. On nous a ôté notre jeunesse comme notre chemise aux condamnés. Nous attendons. Avant que la balle grasse ne s’assoie sur la nuque, dix, vingt ans s’écoulent, le mur est haut et solide. Derrière le mur il y a un arbre et une étoile. L’arbre sape le mur de ses racines. L’étoile grignote la pierre comme une souris. Dans cent, deux cents ans il y aura déjà une petite fenêtre.
Zbigniew HERBERT, Corde de lumière, Œuvre poétiques complètes I, Le bruit du temps, 2011.
Le jardin botanique
C'est un pensionnat de plantes, dirigé avec rigueur comme les écoles de bonnes soeurs. Les herbes, les arbres et les fleurs, poussent avec décence sans luxuriance végétale, en se gardant des caresses interdites avec les bourdons. Elles sont retenues par leur dignité latine et le devoir d'être un exemple. Même les roses ont la bouche pincée. Elles rêvent d'un herbier.
Les vieillards viennent ici avec des livres et s'endorment dans le tic-tac des cadrans solaires.
Zbigniew HERBERT, Cadre de lumière, Oeuvres poétiques complètes I, 2011.
...
Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière ...
...Arthur RIMBAUD, Roman, 1870.
On souscrit.
Si les 17 ans sont loin, reste au moins la bière.
Équilibres
Le funambule, une flèche sur une corde
Muni d'un arc, il chuterait.
Le somnambule dévide sa pelote de songeNe l'interpelle pas, tu en couperais le fil.
Tangue la balance aux épaules du pêcheurPrête à chavirer, dans les marais.
Qu'une vibration n'échappe à l'ouïe de l'accordeurMaestro du ton juste.
Ne guette que les syllabes des angesCar la symphonie du Malin étourdit.
Bannir la période. Épouser la vibrationqui sille d'un son pur.
Agnès ADDA, Arpa n° 103.
La pièce de cinq pesètes
La pièce de cinq pesètes
Je l’ai mise dans la fente
Du distributeur de timbres
Et j’ai pressé le bouton
J’ai reçu la petite image
D’un homme à face de furoncle
A dos collant
Sur celle-là je cracherai
Je l’écraserai du poing
Je l’enverrai
Loin
Faisant ainsi je ferai
Ce que font en attendant mieux
Bien des gens de ce pays(Barcelone 1966)
André PIEYRE de MANDIARGUES.
Les pesètes n'ayant plus cours - ni la chose, ni ce nom si désuet -, un bulletin de vote suffira.
Dans une contribution à POEZIBAO, Georges GUILLAIN tord le cou au péché d'élitisme habituellement attribué à la poésie :
Plutôt que de reprocher leur élitisme à ceux qui continuent à se vouloir poètes quand tout les pousse à tenter plutôt autre chose, de plus visible socialement, de plus rentable économiquement, ne devrions-nous pas plutôt les remercier de continuer à entretenir l’existence, la possibilité, d’un rapport au langage qui rompe avec cette "prolétarisation des esprits" à l’œuvre dans l’usage contemporain de la langue ? Les encourager à œuvrer dans les profondeurs de cette langue pour qu’elle cesse de n’être, par la pauvreté de ses propositions formelles, qu’un agent de fermeture de l’intelligence et de l’imagination ?