Un crachin aux vitres du train
vêt d'un buvard le paysage
le capte hasardeux polaroid
d'où les couleurs échappent
avant un assoupissement
d'entre les tournesols
voûtés sur un hiver intérieur
Aux sursauts de cinéma burlesque
l'on retrouve bonne saison
le temps qu'à nouveau se fige
en instants insouhaités
et de limites floues
l'étrangère campagne traversée
Sur du vent - Page 236
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Aux VITRES du TRAIN
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Claude HAGÈGE et la PLUIE
Il pleut, certes... Les journaux ne parlent que de ça.
Mais qui est-il ?
Personne, selon Claude HAGÈGE et son Dictionnaire amoureux des langues qui, par ces traductions littérales, montre que la pluie sait très bien tomber toute seule :
- russe : "pluie va"
- hongrois : "tombe la tombante"
- hébreu : "est tombée pluie"
- turc : "pluie est en train de pleuvoir"
- albanais : "tombe pluie"
- chinois : "tombe pluie"
- japonais : "pluie tombe"
Moralité : si les campeurs souffrent, c'est la faute à personne !
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Christian BOBIN et le FACTEUR MERLE
Vous les animaux, vous avez une singulière façon de voir - par vos nerfs, vos muscles, vos dos, autant que par vos yeux. Tu venais d'atterrir de l'autre côté de la vitre, sur l'herbe verte du pré. Noir sur vert, et cette pâte orangée de ton bec, lumineuse comme une lampe Émile Gallé. Tiens, me suis-je dit en te voyant : du courrier. Un mot du ciel qui n'oublie pas ses égarés. Tu es resté dix secondes devant la fenêtre. C'était plus qu'il n'en fallait. Dieu faisait sa page d'écriture, une goutte d'encre noire tombait sur le pré.
Christian BOBIN, L'impossible n° 5
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SENDAK ou SANDWICH ?
Un jour, un petit garçon m'a envoyé une carte charmante, avec un dessin dessus. Je réponds à toutes les lettres que les enfants m'envoient - parfois très rapidement - mais cette réponse-là, je l'ai soignée. Je lui ai envoyé une carte sur laquelle j'avais dessiné l'image d'une Chose Sauvage*...
Et puis j'ai reçu une réponse de sa mère qui disait : "Jim a tellement aimé votre carte qu'il l'a mangée". C'est le plus beau compliment que j'aie jamais reçu. Ça n'avait pas d'importance pour lui que ce soit un dessin de Maurice SENDAK. Il l'a vu, il l'a aimé, il l'a mangé.L'Impossible n° 5.
* Ces Choses Sauvages, en Français, sont devenues des Maximonstres.
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JO : QU'UN SANG IMPUR...
L'Euro et le Tour de France n'étaient qu'un avant-goût : le chauvinisme généralisé s'apprête désormais à nous délivrer son meilleur arrière-goût :
C´est vrai qu´ils sont plaisants tous ces petits villages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages
Ils n´ont qu´un seul point faible et c´est être habités
Et c´est être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours leurs musées leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu´à loucher
Qu´ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar
Ou même de Montcuq il s´en flattent mazette
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque partGeorges BRASSENS
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PAPIER en FILIGRANE
Collant de soie
cul peint
gaufré de bonbon
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MONTAGNE, TOUR de FRANCE et VACANCES
La forteresse
Forteresse autrefois dressée à toiser de loqueteux moutons et quelques maigres ruisseaux, à contenir tous mouvements, soldatesque ou brigands
La roche devenue tendre, une fois l'an est vaincue, à la force noueuse du mollet des troupiers du Tour de France,
puis la pierre se fend le reste de l'été, au passage des foules jusque là montées, débandées sans même livrer combat
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Zéno BIANU : le "JE" de COLTRANE
où suis-je
où ne suis-je pas
où ai-je déjà traversé
ces cascades où volent des éclats de jade
les jours de grande chaleur
où ai-je écouté cette mélancolie
qui porte encore en elle
l'impact des diamants
taillés autrefois par les étoiles
où ai-je éprouvé
ce foudroiement silencieux
j'ai tout oublié
je file comme un bolide
par une voie abandonnée
à côté du temps
Zéno BIANU, John Coltrane (méditation), Le castor Astral, 2012.
L'omniprésence du "je" rappelle jusqu'à l'obsession la forme de ce saxophone ténor au jeu tellement "à côté du temps".