Son unique et même rythme
pourtant c'est en voyelles que dit le coucou
d'un assumé contretemps
tout son mépris des hommes
pâle monnaie au fond des poches
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Son unique et même rythme
pourtant c'est en voyelles que dit le coucou
d'un assumé contretemps
tout son mépris des hommes
pâle monnaie au fond des poches
LA MER INTÉRIEURE
En chacun de nous il y a une mer
Parfois on l'entend, parfois pas
On peut la traverser, on peut s'y noyer
On peut y lancer un message dans une bouteille
Le poème est ce message qu'un autre nous-même trouvera un jour
De l'autre côté de celui qu'on est
Si un poème nous fait du bien c'est parce qu'on sait qu'il ira loin
Qu'il sera ballotté
Qu'il luttera contre des vents de travers
Mais que pour finir il vaincra
Parvenant sans encombre à son destinataire
Qui n'est autre que l'autre nous-même
Cet autre absolu
Ce même absolu
Il y a les femmes et leur corps mystérieux
Il y a la cigarette qui est souffle, feu et poudre grise
Qui est le trait d'union entre la bouche et le monde
Et nous savons que la bouche est l'embouchure de l'âme
Il y a les alcools forts au goût de baies ou de caramel
Comme ils vous écorchent et vous fendent !
Mais il y a avant tout le poème, plus mystérieux, plus incandescent, plus âpre encore
Le poème qui est notre faim, notre soif, notre nécessité et notre désir
Nous voulons nous fondre dans le corps et l'esprit de notre poème
Nous voulons inhaler et réduire en poussière brûlante notre poème
Nous voulons nous enivrer brutalement de notre poème
La mer tempêtueuse qui nous déchire
La mer docile qui nous miroite
La mer translucide où nous voyons d'insoupçonnables trésors
La mer noire comme un cauchemar qui ne finit pas
Le poème y suit son voyage
Il surnage
A-t'on jamais vu un poème faire naufrage ?
Emmanuel MOSES, Sombre comme le temps, Gallimard 2014.
...
Drôle de créature que l'homme
Les jours le portent
L'espoir l'entraîne
Le chagrin le terrasse
Et il dérive ça et là
Sans plus oser porter son nom d'homme
Drôle de Dieu perdu dans son absence
Qui pourrait l'aider ?
Comment lui apprendre ?
Il vogue entre les infinis
En impuissance d'amour
Emmanuel MOSES, Sombre comme le temps, Gallimard 2014.
Si les aveugles ('iverim) sont appelés "inondés de lumières" ou encore "éblouis", c'est pour ne pas heurter leur sensibilité. La Torah en effet considère souvent le fait d'être aveugle comme la conséquence d'une punition divine. Les rabbins, voulant s'écarter d'un tel sens qui ne correspond pas à leur théologie et ne pas condamner les aveugles, les appellent "inondés de lumière" (sagi nahor), expression laudative. Le mot invite à regarder un handicap de manière positive et à appréhender la réalité différemment.
...
Sagi nahor est donc devenu l'expression générique pour désigner les euphémismes dans la littérature rabbinique.
Pauline BÈBE, À l'ombre du tamaris, Presses de la renaissance, 2010.
...
Une maison, ça naît du rien de la terre
Du rien du ciel et des étoiles
Du rien des arbres
Une maison, un jour, ça sera tout
...
Emmanuel MOSES, Sombre comme le temps, Gallimard, 2014
mais nous
ne faisons que suivre
des traces
nous-mêmes ne sommes
que des traces
de la vie
c'est pourquoi il nous faut tant
nous tenir pour ne pas nous perdre
tant entendre ce qu'on dit
sans savoir
tant voir ce qu'on
cotoie sans le voir et moins
on reconnaît l'invisible
plus on devient invisible
Henri MESCHONNIC, Je n'ai pas tout entendu, Dumerchez, 2000.
...
Était-il paysan ? Chasseur ? Poète ?
Il observait ces traces d'un monde inatteignable
Et semblait absorbé par une pensée qui l'assombrissait
S'il était paysan, il devait songer à sa moisson gâtée
S'il était chasseur, à son gibier manqué
Et s'il était poète, à des mots cherchés vainement
...
Emmanuel MOSES, Sombre comme le temps, Gallimard, 2014
La Chanson d'Hélène
La chanson a la forme d'une ronde, elle tourne toujours
roule au brouhaha des villes, dans le silence d'un champ,
un dessin d'enfant, et sa couleur entre dans la maison
Une voix y grave son contrepoint
celle d'un adulte aux empreintes de tabac
et même d'un mâle
aux prises avec les femmes, aux activités de carnassier
mais entravé, au pic de sa vie, redoutant des pentes sans soleil
Ses joues, ses paupières s'assombrissent
bien vite les volets se fermeront
La ronde tourne encore, on croit tenir une main