à l'ombre
sans encore de loup
mon visage
mordu
par la seule petite chienne
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à l'ombre
sans encore de loup
mon visage
mordu
par la seule petite chienne
je
haussé du col
et moi
gonflé comme un bœuf
étranglé
sous le joug
On n'écrit plus de poésie, un bric-à-brac de vieux droguiste.
Quel crédit accorder aux mots qui se succèdent, comment les croire encore possibles ?
Luttant contre le rythme pair, on ne tient plus sa main portée contre son coeur : le genre noble a la nausée.
On balade ses mots, on les décroche, on les espace, on les efface.
On les dispose comme on peint, comme on dessine ou comme on brode, au point de croix.
On fait de petits tas, sans ponctuation, "mendiant presque d'écrire".
...
Marie ÉTIENNE, Roi des cent cavaliers, Flammarion, 2002.
que faire d'un monde qu'on ne dit pas
dont nul n'a su ne sait rien dire, rien
pas un détail, pas une occurrence particulière accrochée à une description
un monde d'une généralité si extrême
que l'unique, le sans répétition, y est abrogé
dès l'instant que personne ne peut comprendre
dont personne dans sa bouche ne sait que faire
contourner ce dire, l'expulser d'une syllabe
le cracher avec dégoût
un monde d'une imprécision abominable
avec lequel je dois vivre
à qui je dois, incessant, le regard ?
Jacques ROUBAUD, La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard, 1981
Air ou soleil sont à prendre, sans rien retrancher ni priver personne, paroles bues sans que s'altère la source
voici la leçon offerte, à qui aspire aux vents nouveaux, distingue dans le spectre chacune des couleurs, s'abreuve aux eaux de passage,
par la nature, qui agit et parle en maître, pour que s'élèvent tous ses fruits, que nous sommes
...
je le savais, je m'en souviens, il faisait beau,
de la beauté de l'air qui ne dit rien
pose les heures dans nos mains, et s'en va.
...
Jacques ROUBAUD, La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard, 1981
résonnance magnétique
la banquise
entachée d’eau
autour de l’ours polaire
notre monde
bientôt manchot
...
On garde son carnet et son stylo ouverts.
- Vous notez vos mémoires ?
Écrire est ridicule. Si on écrit on fait ses comptes, ceux du marché, du mois.
Mais pas ceux de sa vie.
On continue quand même à aligner ses chiffres, c'est-à-dire ses lettres.
On paraît moins vivant, on s'enfonce loin d'eux, qui sont dehors, à la surface, qui tiennent le bon bout de cette suite d'actes.
On extrait des fragments d'une suite, au hasard.
En vérité pas au hasard.
On les dispose, on les essaie, on les attache.
Jusqu'à ce qu'à son tour on tienne le bon bout.
Jusqu'à ce qu'à leur tour ils tiennent bien ensemble.
Marie ÉTIENNE, Roi des cent cavaliers, Flammarion, 2002.