J'ai quelque chose à dire de limpide et d'inconcevable
Comme un chant d'oiseau en temps de guerre.
...
Odysseas ELYTIS, Le soleil sait, trad. A.Ionatos, Cheyne, 2015
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J'ai quelque chose à dire de limpide et d'inconcevable
Comme un chant d'oiseau en temps de guerre.
...
Odysseas ELYTIS, Le soleil sait, trad. A.Ionatos, Cheyne, 2015
poésie
dite
à happer
dans son lit
lue
à savourer
attablé
que faire d'un monde qu'on ne dit pas
dont nul n'a su ne sait rien dire, rien
pas un détail, pas une occurrence particulière accrochée à une description
un monde d'une généralité si extrême
que l'unique, le sans répétition, y est abrogé
dès l'instant que personne ne peut comprendre
dont personne dans sa bouche ne sait que faire
contourner ce dire, l'expulser d'une syllabe
le cracher avec dégoût
un monde d'une imprécision abominable
avec lequel je dois vivre
à qui je dois, incessant, le regard ?
Jacques ROUBAUD, La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard, 1981
On parle en disant (et alors on dit des dires)
On rêve des rêves, et alors les prophètes prophétisent, les femmes enfantent des enfants
L'Hébreu craint Yahvé davantage que la redondance
Voici, me dit-il, le mortel cerné de toutes parts,
enserré dans les fils de sa langue, son trépas.
Entends sa musique discordante, la bouillie sonore de sa bouche.
Vois comme est insensé son dire, en désaccord flagrant avec le sens de son faire, le destin qui le porte.
Aveugle sous la peau de lumière posée.
Regarde la bête solitaire, foulant les jardins,
alourdie de fatigue, exsangue, frappée en plein regard.
Déracinée, Désertée, Brisée -
Plaies et pleurs et grincements de dents.
Lueur qu'éventra la lame sur l'eau grise.
Parole sous la parole, en mèche de fouet.
Tranquillement elle charrie l'irrévocable venin,
Tranquillement elle dépèce l'incroyable, le clair, te livrant à ton obscurité -
et qui t'entendra dans les hennissements du jour,
du joyeux jour aux blancs poulains ?
Lorand GASPAR, Égée Judée, Poésie-Gallimard,1980.
HISTOIRE
Quand la femme du village de pêcheurs m'a parlé
De son mari qui avait disparu
Et de la mer qui revient mourir devant sa porte soir après soir
J'ai gardé silence.
Je ne pouvais pas dire à la nacre de ses yeux
Ton bien-aimé reviendra, ou
La mer revivra.
(Il y a des jours où je n'arrive même pas à te dire
Un seul mot.)
T. CARMI, Prisme, 11 poètes israëliens contemporains, Obsidiane, 1990. (Trad. Emmanuel MOSES)