
Viens, viens élargir la page, montrer enfin qui désirer et se mettre
En prière regard tourné vers la langue et cette étreinte ineffable.
Un espoir, un espace où toutes les lignes convergent enfin.
Anne CALAS, Déesses de corrida, Flammarion, 2019
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Viens, viens élargir la page, montrer enfin qui désirer et se mettre
En prière regard tourné vers la langue et cette étreinte ineffable.
Un espoir, un espace où toutes les lignes convergent enfin.
Anne CALAS, Déesses de corrida, Flammarion, 2019

Deux pas à droite, deux pas à gauche.
Les barricades de Madrid sont toujours là.
L'ex-milicien se trouve dans les marges
des livres de philosophie et de linguistique
derrière lesquels sont tombés des amis.
Deux pas à droite, deux pas à gauche.
Les livres ont été, depuis, jetés au feu
mais il en parcourt encore les marges,
c'est sa liberté de graffiti qu'aucun mur,
aucune colonne de dictionnaire ne peuvent
circonscrire : la tentative toujours recommencée
de restituer le soleil à la parole envahie.
Armand GATTI, Comme battements d'ailes, Poésie 1961-1999, Poésie-Gallimard

Lignes des paumes rides du visage
tremblé de l'ombre accompagnant le moindre geste
grains de beauté
chute d'un cil sur la page d'un livre improvisant un signe fugace
rai de lumière venant éclairer la lunule ivoire
d'un ongle
- tout est écriture -
Noms des choses et des lieux
noms des vivants - bêtes et hommes -
noms des défunts
des heures des jours des saisons
noms des anges et des démons...
- tout est chiffre -
Sylvie GERMAIN, Couleurs de l'invisible, Al Manar, 2002

C'est par le regard
des images
que la vie s'immole
chaque jour
sur chacune de nos rétines.
Un jour,
nous saurons
quelle part de notre mort
nous avons offerte
au besoin de cadrer le ciel,
à l'obstination du nuage
qui veut se lire
sur
et derrière
l'écran.
Armand GATTI, Comme battements d'ailes, Poésie 1961-1999, Poésie-Gallimard

Peu nombreux en vérité sont les élus qui se libèrent
de leurs entraves et s'enfoncent dans la nuit
avec cette envie passionnée de profiter pleinement du temps
sans limites que propose la force obscure de ses royaumes
comme le don d'une aléatoire éternité
une survie sans garanties mais pourvue cependant
d'un modeste lot de bifurcations tentatrices
où le plaisir nous surprend soudain félin et bref
à l'égal de ce qui est destiné à se perdre aussitôt.
Àlvaro MUTIS, Et comme disait Maqroll el Gaviero, Poésie-Gallimard, trad. F.Maspero

Le guerrier dort
seules ses armes veillent.
L'été ouvre les écluses
et le sommeil se peuple
d'imprécises batailles
...
Àlvaro MUTIS, Et comme disait Maqroll el Gaviero, Poésie-Gallimard, trad. F.Maspero

Dans un tunnel obscur où se mêlent villes, odeurs, tapis verts, colères et fleuves, pousse la plante du poème. Une feuille sèche et jaune serrée entre les pages d'un livre oublié, tel est le maigre fruit offert.
La poésie remplace,
le mot remplace,
l'homme remplace,
les vents et les eaux remplacent...
La défaite se répète dans la suite des temps, hélàs irrémédiable !
Àlvaro MUTIS, Et comme disait Maqroll el Gaviero, Poésie-Gallimard, trad. F.Maspero

Attendre le temps du poème c'est tuer le désir, supprimer les ardeurs, se livrer à l'angoisse stérile... et voilà que les mots nous recouvrent de telle sorte que nous ne pouvons voir le meilleur de la bataille, quand le drapeau fleurit sur les moignons sanglants du prince. Éternisez cet instant !
Àlvaro MUTIS, Et comme disait Maqroll el Gaviero, Poésie-Gallimard, trad. F.Maspero