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Poésie - Page 116

  • La mort chez Z.BIANU et L.CALAFERTE

    La poésie de Zéno BIANU est parfois sombre et compassée. On peut pourtant lire, dans la partie CREDO de INFINIMENT PROCHE,  ce détonant cri de vie:

    Je crois qu'il faut mourir
    puis vivre
    mourir avant de mourir
    pour ne plus aimer mourir

    En donnant à chaque "mourir" le sens qui lui est propre, on peut le lire comme une riposte à ce propos de Louis CALAFERTE (tiré de HAÏKAÏ DU JARDIN) qui, à l'inverse, est plus pessimiste, dans une oeuvre pourtant fulminante de vie:

    J'ai appris à apprendre
    que la beauté
    est compliquée de mort

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  • Scribe

     

    scarabée obscur

    à jamais recourbé

    sur son labeur de fourmi


    ornant de sang noir avec minutie

    la largeur des parchemins terreux

    voués à de pâles soleils de cire

    tu livres en offrande

    aux esprits pour toujours assoiffés

    ta patience de scribe

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  • Pierre GROUIX

     

    Découvert au hasard d'une revue de poésie Pierre GROUIX.

    Et son chèvrefeuille, héros baroque d'un poème publié en catimini voici trois ans:


    « ... au bord du nord ou de la neige, le chèvrefeuille devait moins sa vie à l'eau des pluies qu'au tremblement du sentiment...

    ... ce feu de soie qu'est la lumière au plus été de l'été, la traîne invraissembable et vraie, le chèvrefeuille y brûlait ses mots puis y forgeait sa musique rouge...

    ... plus chère à son âme que l'or des royaumes ou la paradis promis, le millième nerf des petites feuilles de l'arbre, closerie minime du coeur...

    ... riche de seullement son manque, le chèvrefeuille n'a d'armoirie que la flamme d'un départ dont les couleurs sont moins le rouge et l'or que la cendre et la nuit...

    ... à coudre ses brins de mots, le chèvrefeuille tissait une chemise d'amour que l'arbre ne passait pas, un vêtement pour le vent...

    ... par les mots plus légers, du tout bout de l'encre ou de l'âme, l'aile de l'ange et déjà l'invisible... »


    Et le poète de dévider son ode à l'arbre, le parant des mots de l'amour, du silence et du vent.

    Il en reste la sensation d'un mystère qu'on souhaitera préserver.

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  • En hébreu

     

    sous la loi d'une transhumance éternelle

    point du jour et nuit des temps

    dans le livre confondus

    de droite à gauche

    en hébreu

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  • La fortune...

    Devant ma porte

    un paquet de cigarettes

    Fortuna

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  • La rime

     

    De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime;

    Ou, puisque enfin tes soins y seraient superflus,

    Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus,


    BOILEAU a bien raison de prier qu'on lui accorde l'art de la rime ou, mieux encore, celui de renoncer à la rime.

    Il est vrai que la rime ajoute un mortel ennui aux vers médiocres; le poète alors est un mauvais mécanicien qui fait entendre le bruit choquant de ses poulies et de ses cordes. C'est VOLTAIRE qui vient d'acquiescer à ce propos.


    Voici un siècle que la poésie a fait exploser rimes et métrique. Mais en réalité, cette liberté conquise plonge les poètes - et aussi leurs lecteurs - dans le puits sans fond de tous les possibles. Le cadre de la poésie n'est plus dans sa forme, mais dans l'exigence de sincérité qui pèse sur le poète. Tandis que le règne de la rime se fondait sur une culture commune, admise par tous.

    En s'en privant, le poète doit tenter de toucher son lecteur par le seul contenu de son texte, sans faire jouer une connivence avec lui, qui ne reposerait que sur un système de conventions.


    Et VOLTAIRE de conclure: Je ne puis souffrir qu'on sacrifie à la richesse de la rime toutes les autres beautés de la poésie.

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  • Tant de ciel...

    le héron

    tant de ciel
    qui ne lui sert pas


    Le mot n'apparaît nulle part, dans son recueil Le Jardin des Tempêtes, mais c'est bien un haïku que nous présente ici Yvon LE MEN.
    Tout les éléments constitutifs généralement reconnus au haïku y figurent: la disposition sur trois lignes, la captation d'un instant, la réflexion philosophique qui en découle. Et la fameuse césure, qui va nous retenir...
    Cette césure est matérialisée par l'interligne, après "le héron". Elle résulte d'un choix du poète, qui aurait pu préférer une rédaction plus conforme à la syntaxe:
    tant de ciel
    qui ne sert pas
    au héron

    On voit bien que le résultat manque de relief. Le ressort, que l'on trouvait dans l'original, réside dans le simple fait de nommer successivement les deux personnages du poème. Le poème se compose de deux strophes, dans lesquelles le héron et le ciel ne sont que pointés du doigt, le premier sans qualificatif, et le second avec un qualificatif, mais sans un verbe actif. Leur désignation suffit à décrire la scène, et à traduire l'émotion qu'elle suscite.

    En élaguant encore davantage, on n'obtient plus que:
    un héron!
    ah! le ciel...

    La poésie atteint alors son estuaire. Elle se jette dans un océan de spiritualité.

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  • Le dictionnaire

     

    passé consigné

    pesant sur l'étagère


    parfois s'égrènent en poussières

    les images désuètes

    et les adages antiques

    du fidèle dictionnaire

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