MOUVEMENT

 

d'une pichenette

un mouvement

perpétuel

 

force des choses

 

musique

où dansent les sphères

 

 

Sous l'ANGLE de Germaine KRULL

 

Chaque angle nouveau multiplie le monde par lui-même. 

Germaine KRULL, Études de nu, Calavas, 1930

 

 

AUTRE

 

Venu de son époque

comme d'au-delà d'une alpe

de l'outre-noir d'un fleuve profond

ou de l'en-face d'un détroit voilé

celui-là aussi est un autre

 

la langue frottée des épices de son âge

et l'esprit

granit sculpté par les océans d'alors

il est autre

 

jamais à l'heure de la saison

ni en ses étoffes rêches

ni en ses âcres légumes

 

Et il dissonnera

de ces louches harmonies

Et il étonnera

d'une puissance de caverne

et ses réponses feront des énigmes

des étincelles sur l'œil des volcans

 

 

Isabelle PINÇON et les STATUES

 

Je partirai d'un bloc de terre, j'aurai les mains sales, mouillées, je me passerai un doigt sur la figure au pourtour des yeux inondables, je partirai d'un bloc de pierre, j'enlèverai des morceaux au hasard, je creuserai des tunnels, un angle, trois soupirs. Je rejoindrai un centre approximatif, mes mains dans le seau boueux, en pleine matière.

Je partirai de l'homme et curieusement tout deviendra facile.

 

Isabelle PINÇON, C'est curieux, Cheyne, 1995

 

 

TEMPLE

 

2 Chr 24

 

Moins de richesses parfois

au long des routes

qu'à sa porte

pour relever son temple

sa cathédrale engloutie

dans la ruine d'elle-même

à coups de métaux

de pierres et de bois

au prix de tant de sueur

de larmes si loin des yeux

que le sel se perdra

dans le silence des statues

 

 

EXTRÉMITÉ

 

France Info 11/4/20 06:50

 

Dernière extrémité

à quelques mètres

barrière

où ronger son frein

dans l'étrange beauté du geste

immobile

 

Le confinement reste la règle

chacun dans sa cellule

semaines et dimanches

dans la même brume étirés

longtemps encore après matines

 

 

Ludovic JANVIER la NUIT

 

Est-ce le jour que tu dors debout

à raconter des histoires qui rôdent

en compagnie de l'impossible à dire

alors que la nuit sans pouvoir oublier

paralysé par le trop tard

tu sues d'angoisse en égrenant les heurs

qui fabriquent le temps perdu

 

en attendant que la clarté se fasse

en attendant d'être avec les mots

au pays du jour qui se lève

en attendant la note juste

en attendant

 

Ludovic JANVIER, Une poignée de monde, Gallimard, 2006

 

 

CONSCIENT

 

conscient

 

avec on ne sait quoi

 

digne

du présent

indigne autrement