sous un arc de pierre
glaives et bâtons
dressés comme des index
les regards blancs et fixes
et les barbes verticales
sous un arc de pierre
vibre muette
la litanie des prophètes
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sous un arc de pierre
glaives et bâtons
dressés comme des index
les regards blancs et fixes
et les barbes verticales
sous un arc de pierre
vibre muette
la litanie des prophètes
Qu'est qu'un poème en prose, sinon un aveu d'impuissance?
(Voltaire).
Comme changent les goûts, quand changent les époques. On ne risquerait plus aujourd'hui un jugement si cavalier; et l'on prierait le bretteur téméraire de moucheter un peu son sabre.
A s'y fier, on ne percevrait la prose que comme l'échec de n'avoir su faire poétique. On devine alors que la distinction entre les deux genres repose sur des critères exclusivement formels, tels que rime, métrique et autre diérèse. Le prosateur ne serait donc qu'un barbare, un Vèlche pour Voltaire, ignorant des règles érigées par d'incontestables Muses.
Au lieu qu'un esprit fort de notre siècle énoncerait que le moindre graffiti est un poème en puissance...
Entendu, d'Emmanuel LOCHAC, le monostiche suivant qui, depuis, résonne à mon oreille par son élégance et sa puissance d'évocation:
Dans la brume du port, voix vantant des crevettes
On a l'habitude de définir le haïku comme une forme poétique d'origine japonaise, présentée sous la forme de trois vers.
Cette définition, sans doute valable pour un lecteur pressé, ne saurait l'être pour l'amateur de poésie. Elle ne laisse apparaître qu'en filigrane des contours qui mériteraient d'être tracés plus précisément.
Car des trois vers du haïku, ce qui doit toujours prédominer est bien celui qui jamais ne se montre sur le papier: le quatrième!
Celui-ci est fait du silence grave qu'impose la solitude de l'homme, sur le fil de l'instant saisi par le poème. De l'écho, trahissant sa petitesse au bord de sa destinée.
Averse d'avril
Sous la tôle du poulailler
tout un bric-à-brac
André Velter a tiré d'un séjour vers les sommets du monde un recueil intitulé Le Haut-Pays.
Ces contrées, chargées d'étoiles et de neige, lui ont dicté une poésie lourde de transcendance et d'ésotérisme. Au point d'égarer le lecteur dans des sentiers bordés de ravins, de l'asphyxier sous un azur insupportable de pureté.
J'en extrais cette strophe, parmi les plus immédiatement expressives:
Sursaut d'humanité autant que dette d'honneur
L'affrontement qui nous fonde
Exige son épopée
A.Velter nous y engage, et s'engage lui-même, à un combat sacré, magnifié par l'enjeu, et par le récit qu'en conservera la postérité, à réussir le rapt de soi-même, à capturer ce que nous avons d'homme.
De hautes pensées, fruit de l'union du ciel et de la plume.
Le Football Club de Barcelone, qui se distingue particulièrement cette année sur le plan sportif, présente aussi une particularité plus ancienne. Ce club persiste à maintenir vierges de toute inscription les maillots arborés par des hommes qui figurent pourtant parmi les plus photographiés de la planète.
Le monde du football contemporain s'étonne de cette anomalie, compte tenu de ce que coûte le respect de cette tradition.
Un seul message se manifeste sur les cuirasses de ces chevaliers de notre siècle, par le port des couleurs du club, et rien d'autre.
Elle est bien désolante, cette pratique des internautes de transférer telles quelles les bonnes blagues reçues par messagerie.
Il ne s'agit pas de juger ici de la qualité d'un humour qui se propage à la vitesse du liseron, mais du comportement tristement passif qu'il induit. Ces messages sont en effet, la plupart du temps, transmis à la totalité de son carnet d'adresses, et sans que soit prise la peine de les débarasser de toute trace d'acheminement antérieur, et des inévitables fautes d'othographe ainsi pourvues d'une postérité bien imméritée.
La bonne blague (ou réputée telle) gagne un large et nouveau public, mais sans la moindre chance d'être un tant soit peu bonifiée, personnalisée à l'auditoire à qui on la destine. Elle va errer, transiter indéfiniment, comme le hollandais volant désespérant de son salut. Au lieu d'être une nouvelle histoire, renaissant perpétuellement de cour de récréation en repas de baptême, elle va se figer à jamais, puis pourir ou s'oxyder, comme une pomme délaissée, ou un produit quelconque de l'industrie.
Notre blague, décidément de moins en moins bonne, est ainsi l'héritière de la télévision, qui débite ses films au kilomètre, alors qu'elle devait, par nature, être la descendante de la veillée et du conte...
Nicolas Bouvier a bâti sa vie littéraire sur l'écume d'un ancien voyage.
Son écriture alliait la précision et l'humilité de l'entomologiste. Et en l'écoutant, on était saisi par cette rigueur, qu'il manifestait également à l'oral. Amplifiée encore à la fin de sa vie, par la fixité de son regard.
Il semble que ce genre de perfection - qui n'est pas l'apanage des écrivains - émane d'une réceptivité au présent, d'une indéboulonnable attention à l'instant, même quand il n'est que l'écho fatigué d'une expérience lointaine.
Nicolas Bouvier n'a pas raconté son périple: il en a relevé les traces, demeurées présentes, au moment de sa relation.