L'hiver, aujourd'hui achevé, a été long, au point de résonner encore, dans nos squelettes:
Les commerces de bouche ont tiré leur acier
Voici la nuit sans vitrine
Attelés sous la froidure
tous les dos épousent la lune
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L'hiver, aujourd'hui achevé, a été long, au point de résonner encore, dans nos squelettes:
Les commerces de bouche ont tiré leur acier
Voici la nuit sans vitrine
Attelés sous la froidure
tous les dos épousent la lune
Encouragés par Guy Darol dans un commentaire récent, nous trouvons dans La Vie Unanime de Jules Romains, ces quelques vers sur la guerre, telle que perçue par un qui ne la fait pas:
Je n'entends rien! Je n'entends rien! Rien ne tressaille;
Je n'ai pas le frisson charnel de la bataille;
La peur n'embrase pas mon torse d'animal;
Je bâille; mes regards traînent sur le journal,
Avec une lenteur tranquille de limaces,
Et les lettres ont beau me faire leurs grimaces,
ce morceau de papier n'est pas taché de sang.
...où l'on voit qu'alors, déjà, la vie humaine, la vraie, faite de chair, était l'absente de tout journal.
Ceci nous rappelle que, face à l'information, nous sommes bien mal armés...
Les poèmes de Daniel Boulanger sont:
Ils sont, très littéralement, essentiels.
Lire notamment ses Retouches: A la courte paille - A la marelle - Automnales - Carillon - De laine et soie - Intailles - Lucarnes - Le porte-oeufs - Retouches - Taciturnes - Sous-main - Volière, ouvrages parus chez Gallimard.
Sur la une de "Elle",
toujours le deuxième "l"
pour une belle s'efface,
ou prétendue telle, hélas!
Un jour de 1903, en plein Paris, rue d'Amsterdam, Jules Romains fut chatouillé par une étrange sensation.
Il eut tout soudain l'intuition que la foule des passants, autour de lui, formait comme un gros animal, doué d'une grosse vie, dont chaque être, lui, nous, était une parcelle, un organe, un membre...
Ce fut le déclic, à l'origine d'un recueil de poésie intitulé "La Vie Unanime", dans lequel notre Jules déclina toutes les conséquences de cette révélation. Désormais, tout allait respirer l'"unanime", tout serait la manifestation de cette conscience selon laquelle la grande ville, le monde, et même les soldats au loin, vivaient au rythme univoque d'un coeur commun.
Mais Jules n'est pas un inspiré. La mystique n'est jamais venue le grattouiller, et la rue d'Amsterdam n'aura pas la postérité du chemin de Damas. Cette oeuvre reste sèche et un peu froide, avec tout de même pour qualité d'être dépouillée de l'enflure que l'époque et l'axiome de départ risquaient de susciter. Jules Romains recourt systématiquement à un vocabulaire simple et sobre. Mais sa versification, déjà centenaire, pèse sur l'estomac.
Un exemple toutefois:
J'ai jeté pour toujours mon rêve habituel
Comme un cigare usé dont le feu mord la bouche.
N'étant plus moi, je ne sens plus ce qui me touche;
Ma peau, c'est le trottoir de la rue et le ciel.
Ou encore:
Nous sommes indistincts; chacun de nous est mort;
et la vie unanime est notre sépulture.
Les récents soubresauts de France, en opposition au contrat première embauche (CPE), ont permis de vérifier une nouvelle fois la créativité des étudiants en révolte (si l'on excepte la révolte elle-même).
C'est ainsi que des banderolles ont rebaptisé le CPE en « chair à patron éjectable », ou en « couillonnade pour étudiants ». Un panonceau fixé à une barricade (accordons aux manifestants le prestige de cette appellation) les séparant des forces de l'ordre (voir la parenthèse précédente) indiquait: « confinement des poulets ».
Mais la palme reviendra à cet agent de la SNCF qui, dans le souci d'aider les voyageurs à se repérer dans cette ambiance de grèves, a bravement affiché un « avis aux usagés ».
In cheminot veritas.
L'ouvrir: c'est bien de cela qu'il s'agit.
Je déclare ouvert ce blog, sur du vent... Sur le vent, les dunes et sur cet infini désert où sillonnent des lignes et des lignes qui, de loin en loin, rencontrent un rare lecteur.
C'est le jeu, qui n'est pas nouveau, puisque c'est aussi le propre des journaux intimes et des peintures du dimanche, éternellement remisées dans les dimanches des greniers. Et aussi des poèmes, composés dans une fièvre, qui ne se prolonge jamais au-delà du point final, jamais jusqu'à l'offrande de ses lignes.
Donc, je l'ouvre, et peut-être quelqu'un lira-t-il.