Abbas KIAROSTAMI est de ces artistes qui font envie, à force de polyvalence.
Arrivé au cinéma par le soupirail du graphisme pour génériques, il oeuvre aussi dans les domaines de la photographie et de la peinture.
Et de la poésie. "Avec le Vent" (ed. POL, trad. N.Tajadod et J.Cl.Carrière, ISBN 2-86744-889-1) adopte le style contemplatif de ses autres modes de création.
Et, bien que nourri de culture persane, c'est vers le genre "haïku" que s'est tourné KIAROSTAMI pour ce recueil de poèmes délibérément minimaux. Sans le souci de la métrique et des codes utilisés par les vénérables maîtres japonais, il en exploite néanmoins l'esprit avec des images peuplées de nonnes, de mendiants, de chiens errants, et des pierres rencontrées au bord du chemin.
Le vent du printemps
feuillette le cahier de devoirs
un enfant endormi
sur ses petites mains
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Le corbeau noir
se regarde étonné
dans le champ couvert de neige
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Le chien, assis, guette
au bout de la rue
le mendiant nouveau venu
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C'est l'oeuvre d'un poète de la route, d'une platitude assumée, mais débouchant sur de subites illuminations, libérées de toute cérébration.
L'heureux homme...
Sur du vent - Page 333
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Avec le vent
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Relâche
Pas de match aujourd'hui
Les antennes en forme de T
pour les tourterelles -
Nivellement
Lu sur une plaque métallique scellée au mur d'une gare de province: "NIVELLEMENT Gal DE LA FRANCE".
Menace prémonitoire? Théorie du déclin? Complot de société secrète? Bouleversement géophysique de notre Hexagone?
Devinant quelqu'entreprise de l'Aménagement du Territoire, on préfèrera tout de même s'attacher à des explications moins terre à terre, et plus fécondes en rêveries. -
Garde-robe
Ecrit sur tes sandales "Zaza Tango"
et sur mes croquenots "Galapagos"
Et sur ton pyjama, petit bonhomme,
"I am the biggest bear in the forest" -
Toi-même
"Toi-même, c'est-à-dire le vide inavouable avec lequel tu rivalises".
Edmond Jabès, avec ce ton prophétique de vieux sage un peu hirsute, nous place face à un miroir étrange, où nous nous regardons combattre un adversaire, dont la forme rappelle celle des moulins à vent. -
Lettres et lettres
Ici, je traite de langage et de poésie, je cite VOLTAIRE et Nicolas BOUVIER, Louis CALAFERTE et Jules ROMAINS...
Mais mon vrai travail, celui pour lequel je suis rémunéré, consiste à attaquer des lettres par la formule "j'ai bien reçu votre courrier du 12 avril 2006 qui a retenu toute mon attention", et clore des messages par le stupéfiant "cordialement".
On peut s'en désespérer, ou encore considérer que, dans une faible mesure, mon employeur contribue à la circulation des rêveries littéraires.
Une sorte de mécenat par ricochet... -
La mort chez Z.BIANU et L.CALAFERTE
La poésie de Zéno BIANU est parfois sombre et compassée. On peut pourtant lire, dans la partie CREDO de INFINIMENT PROCHE, ce détonant cri de vie:
Je crois qu'il faut mourir
puis vivre
mourir avant de mourir
pour ne plus aimer mourirEn donnant à chaque "mourir" le sens qui lui est propre, on peut le lire comme une riposte à ce propos de Louis CALAFERTE (tiré de HAÏKAÏ DU JARDIN) qui, à l'inverse, est plus pessimiste, dans une oeuvre pourtant fulminante de vie:
J'ai appris à apprendre
que la beauté
est compliquée de mort -
Mes lunes sont plus belles que vos saints
Nous utilisons des calendriers qui sont, certes, très utiles. Mais qui contiennent aussi une foule d'informations exotiques!
Ainsi, le saint du jour, si éloigné de nos préoccupations ordinaires y figure en bonne place, et même en meilleure place que ne le justifie l'ampleur de la foi catholique dans nos contrées. Ce cortège de Prisca, Thècle, Hilaire et Sidoine désorientent les futurs parents, mais occasionne dans les bureaux et les ateliers embrassades et petits coups à boire.
Et la lune y fait ses quatre apparitions par mois, pour indiquer aux citadins négligeant de lever la tête où elle en est de sa progression.