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Sur du vent - Page 334

  • Pas bon Banania

    Une station de radio fait ces jours-ci une importante publicité pour un "livre santé".
    Bien sûr, ce qu'on tente ainsi de nous vendre est un livre DE santé, mais ses promoteurs s'imaginent sans doute qu'il se vendra moins bien si on le présente à l'aide d'un français correct.
    Ce type d'entorse à la langue s'appelait autrefois "parler petit nègre", mais les temps ont changé et cette expression est désormais à remiser au fond du placard, près de la boîte métallique de Banania.
    Il faut tout de même signaler que cette construction est bien curieuse, qui consiste à aligner deux noms, l'un servant d'adjectif à l'autre. Avec une âme un peu grincheuse, on se persuaderait même qu'elle traduit un flou de la pensée très préjudiciable à une bonne perception du monde.
    Mais peut-être la santé mentale est un sujet abordé par ledit livre; alors, le remède suivrait de près le mal...

    De telles approximations - tels les "incidents voyageurs" ou les "informations clients" de la SNCF - faussent bien davantage l'outil de la langue que l'usage de mots anglais, généralement combattus par les Cassandre de la francophonie.

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  • Scribe

     

    scarabée obscur

    à jamais recourbé

    sur son labeur de fourmi


    ornant de sang noir avec minutie

    la largeur des parchemins terreux

    voués à de pâles soleils de cire

    tu livres en offrande

    aux esprits pour toujours assoiffés

    ta patience de scribe

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  • Pierre GROUIX

     

    Découvert au hasard d'une revue de poésie Pierre GROUIX.

    Et son chèvrefeuille, héros baroque d'un poème publié en catimini voici trois ans:


    « ... au bord du nord ou de la neige, le chèvrefeuille devait moins sa vie à l'eau des pluies qu'au tremblement du sentiment...

    ... ce feu de soie qu'est la lumière au plus été de l'été, la traîne invraissembable et vraie, le chèvrefeuille y brûlait ses mots puis y forgeait sa musique rouge...

    ... plus chère à son âme que l'or des royaumes ou la paradis promis, le millième nerf des petites feuilles de l'arbre, closerie minime du coeur...

    ... riche de seullement son manque, le chèvrefeuille n'a d'armoirie que la flamme d'un départ dont les couleurs sont moins le rouge et l'or que la cendre et la nuit...

    ... à coudre ses brins de mots, le chèvrefeuille tissait une chemise d'amour que l'arbre ne passait pas, un vêtement pour le vent...

    ... par les mots plus légers, du tout bout de l'encre ou de l'âme, l'aile de l'ange et déjà l'invisible... »


    Et le poète de dévider son ode à l'arbre, le parant des mots de l'amour, du silence et du vent.

    Il en reste la sensation d'un mystère qu'on souhaitera préserver.

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  • En hébreu

     

    sous la loi d'une transhumance éternelle

    point du jour et nuit des temps

    dans le livre confondus

    de droite à gauche

    en hébreu

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  • Le flambeau

     

    Il est des choses que l'on peut écrire même en cabriolet; d'autres demandent le lit, le loisir, la solitude (72ème lettre à Lucilius).

    Il semble que pour les contemporains de SENEQUE, le travail, exercé la nuit, ne pouvait qu'en être meilleur. Le lit, éclairé par un flambeau (lucubrum), en garantissait le sérieux.

    Il en est encore de même aujourd'hui, puisque les écrits conçus hors de cette lueur protectrice sont qualifiés d'élucubrations.

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  • La fortune...

    Devant ma porte

    un paquet de cigarettes

    Fortuna

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  • La rime

     

    De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime;

    Ou, puisque enfin tes soins y seraient superflus,

    Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus,


    BOILEAU a bien raison de prier qu'on lui accorde l'art de la rime ou, mieux encore, celui de renoncer à la rime.

    Il est vrai que la rime ajoute un mortel ennui aux vers médiocres; le poète alors est un mauvais mécanicien qui fait entendre le bruit choquant de ses poulies et de ses cordes. C'est VOLTAIRE qui vient d'acquiescer à ce propos.


    Voici un siècle que la poésie a fait exploser rimes et métrique. Mais en réalité, cette liberté conquise plonge les poètes - et aussi leurs lecteurs - dans le puits sans fond de tous les possibles. Le cadre de la poésie n'est plus dans sa forme, mais dans l'exigence de sincérité qui pèse sur le poète. Tandis que le règne de la rime se fondait sur une culture commune, admise par tous.

    En s'en privant, le poète doit tenter de toucher son lecteur par le seul contenu de son texte, sans faire jouer une connivence avec lui, qui ne reposerait que sur un système de conventions.


    Et VOLTAIRE de conclure: Je ne puis souffrir qu'on sacrifie à la richesse de la rime toutes les autres beautés de la poésie.

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  • Tant de ciel...

    le héron

    tant de ciel
    qui ne lui sert pas


    Le mot n'apparaît nulle part, dans son recueil Le Jardin des Tempêtes, mais c'est bien un haïku que nous présente ici Yvon LE MEN.
    Tout les éléments constitutifs généralement reconnus au haïku y figurent: la disposition sur trois lignes, la captation d'un instant, la réflexion philosophique qui en découle. Et la fameuse césure, qui va nous retenir...
    Cette césure est matérialisée par l'interligne, après "le héron". Elle résulte d'un choix du poète, qui aurait pu préférer une rédaction plus conforme à la syntaxe:
    tant de ciel
    qui ne sert pas
    au héron

    On voit bien que le résultat manque de relief. Le ressort, que l'on trouvait dans l'original, réside dans le simple fait de nommer successivement les deux personnages du poème. Le poème se compose de deux strophes, dans lesquelles le héron et le ciel ne sont que pointés du doigt, le premier sans qualificatif, et le second avec un qualificatif, mais sans un verbe actif. Leur désignation suffit à décrire la scène, et à traduire l'émotion qu'elle suscite.

    En élaguant encore davantage, on n'obtient plus que:
    un héron!
    ah! le ciel...

    La poésie atteint alors son estuaire. Elle se jette dans un océan de spiritualité.

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