Dans Eloge de l'Ombre, Junichiro TANIZAKI, sur le mode de la rêverie, imagine ce qu'aurait pu être le stylo, s'il avait été inventé par un japonais.
Tout d'abord, il lui paraît évident que la pointe métallique n'aurait jamais vu le jour, au profit d'un système privilégiant la plume. De là, l'emploi de l'encre de Chine se serait imposé.
Dès lors, le papier utilisé traditionnellement dans son pays (que nous appelons aujourd'hui "japon impérial") aurait été le plus adapté, pour sa texture et ses dimensions, supérieures à notre 21X29,7.
Jusque là, on est dans l'uchronie: l'auteur s'amuse à modifier un événement historique, pour dérouter la cascade de ses conséquences.
Mais il va plus loin quand il affirme que le contenu même de la littérature japonaise en aurait été bouleversé. Car selon lui, l'occidentalisation des outils entraîne nécéssairement l'effacement de la pensée orientale et le grippage de ses mécanismes.
En imposant son stylo et son papier, l'Occident a pesé sur la conception qu'on peut avoir de l'écriture, au point que la construction des romans japonais s'y est pliée, au point de gommer de plus en plus les différences entre les écrits des deux origines.
Un type de réflexion dont on est incapable, lorsqu'on est dans le camp des vainqueurs...
uchronie
-
Et si le stylo...