
Quand les fenêtres comme l'œil du chacal et le désir percent l'aurore, des treuils de soie me hissent sur les passerelles de la banlieue.
André BRETON, Clair de terre, Gallimard, 1966
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Quand les fenêtres comme l'œil du chacal et le désir percent l'aurore, des treuils de soie me hissent sur les passerelles de la banlieue.
André BRETON, Clair de terre, Gallimard, 1966

Il suffit qu'une chose naisse
pour que son corps
la sépare à jamais.
Il suffit qu'une chose naisse
pour qu'en elle
elle ne puisse plus se rejoindre.
Il suffit qu'une chose naisse
pour qu'elle ne sache plus être présente
à elle-même.
Jean-Louis GIOVANNONI, Choix de poèmes, Unes, 2024

Je vous aime bien m'écrit un poète de vingt ans.
Charpentier débutant des mots.
Sa lettre sent la sciure de bois.
Sa muse dort encore dans le bois de rose.
Dans la scierie littéraire retentit un bruit ambitieux.
Les apprentis recouvrent de placage la langue crédule.
Ils taillent de timides contre-plaqués de phrases.
Sculptées par le rabot du haïku.
Les problèmes commencent
avec l'écharde enfoncée dans la mémoire.
Difficile de l'extraire
encore plus difficile de la décrire.
Des copeaux volent. Trognons d'anges.
De la poussière jusqu'au ciel.
Ewa LIPSKA, Moi Ailleurs l'écharde, traduit du polonais, Grèges, 2008

Tu ne sais pas la grande injure que tu fais à la candeur bleue du ciel
que tu fais à l'offrande d'un parterre de tulipes
à l'austérité d'un village de montagne qui lisse la peine des hommes
que tu fais à une passante plus lente que les autres dont la demande est peut-être l'épouse de ta demande
et dont la lenteur n'est peut-être qu'imploration
Guy LÉVIS MANO, Loger la source, Folle avoine, 2007

Sono à fond obsédante scène vide sinon
dans les ténèbres bleues lacérées d'éclairs
un œil gigantesque au sombre iris aspirant
dans un lent tourbillon tous les sens
le spectacle est en soi le sang dans l'oreille
en orage hypnotisé épreuve du temps
qui s'apprête caché en coulisses quel
monstre à surgir dans ce maelström
le mur de fond peu à peu zébré de fissures
...
Gérard CARTIER, Le voyage intérieur, Flammarion, 2023

A la nuit tu as pris plus qu'elle n'offrait
parce que tes yeux la dépouillaient et que l'ombre sustente plus que la clarté
et parce que la nuit est vacante
et le passant riche
d'être l'unique dans son miroir
et que la clémence est dans la lune et non dans le soleil pour la peine de l'homme
Guy LÉVIS MANO, Loger la source, Folle avoine, 2007

Est-il possible, ô chères vérités cachées,
Qu'une à une évanouies
(Ciels fugitifs ; fleurs seules ; regards ; désirs ; pensées)
Vous mouriez impitoyablement emportées,
- Sans retour, puisqu'en nulle âme reflétées, -
Ne laissant traces vives ou pâlies ?..
.... Possible, qu'il soit des harmonies
Sans écho, à jamais enfuies ?
Catherine POZZI, Très haut amour, Poésie / Gallimard, 2002

Nous prononçons des mots qui n'ont pas de corps. Syllabes muettes sur nos lèvres, nous ne les entendons pas résonner dans nos voix. Ils viennent de plus loin que ceux que nous échangeons. Nous les savons sans savoir comment. Glissés en nous, ils existent dans l'absolu silence. Ils ne s'inscrivent pas sur la langue, la main ne peut les tracer. Ils nous apprennent l'imprononcé et la métamorphose.
Ce que nous disons est toujours faute de mieux.
Sylvie FABRE G., Dans la lenteur, Editions Unes, 1998