Ne jamais payer
un poème
comme on ne doit jamais
payer l'amour
Les yeux
sont des monnaies
que l'on donne aux autres
quand on ne veut pas
se vendre
Serge PEY, Mathématique générale de l'infini, Poésie-Gallimard, 2018
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Ne jamais payer
un poème
comme on ne doit jamais
payer l'amour
Les yeux
sont des monnaies
que l'on donne aux autres
quand on ne veut pas
se vendre
Serge PEY, Mathématique générale de l'infini, Poésie-Gallimard, 2018
La poésie a cela de commun
avec le calembour
c'est sa parenté avec le rire
qu'elle effectue
Un rire à l'endroit pour l'une
Un rire à l'envers pour l'autre
qui ne rit pas
La poésie pourrait-on dire
remet le rire sur ses pieds
et en fait un possible
réalisé
Les combinaisons de mots
sont de l'ordre de la chimie
Ils font exploser le monde
La poésie doit rester
sans imagination
Voir n'est pas imaginer
mais trouer le réel
pour voir le mot
qu'il nous cache
mais que nous devons inventer
Serge PEY, Mathématique générale de l'infini, Poésie-Gallimard, 2018
Le sourire
est sous le rire
et ce qui nous rit n'a pas de mort
ni de vie
ni de dessus
ni de dessous
Le sourire est le pardon en nous
de ce qui nous rit
plus haut et plus bas que nous
Serge PEY, Mathématique générale de l'infini, Poésie-Gallimard, 2018
L'art parle. Il est au présent. L'art nous parle au présent. Le présent n'est pas dans notre regard. le présent n'est pas notre vue. Il n'est pas dans la bouche. Toutes les bouches du présent sont fermées. les bouches et les yeux ne parlent ni ne voient le maintenant. Mais ils sont le présent. C'est un vieux maintenant qui parle.
...
Charles PENNEQUIN, Poésie du Louvre, Seghers 2024
...
Ici le temps cire des visages mangés par nos souliers
Ici des trous bouchent d'autres trous avec des trous
Ici les miroirs ont les yeux crevés
Nous montons à l'envers Nous descendons à l'endroit
Nous regardons ce qui nous regarde
même si nous n'avons plus d'yeux pour désaltérer l'univers
les marches des escaliers montent et descendent
vers des trous où nous passons pour reconnaître nos passages
...
Serge PEY, Poésie du Louvre, Seghers 2024
Il est d'autres jours qui ne sont point arrivés,
des journées auxquelles on travaille
comme au pain, aux chaises, aux produits
des pharmacies ou des fabriques :
il y a des ateliers de jours à venir :
il existe des artisans de l'âme
qui élèvent, pèsent, préparent
certains jours amers ou exquis
qui brusquement franchissent notre seuil
pour nous offrir la récompense d'une orange
ou pour sur-le-champ nous assassiner.
Pablo NERUDA, La rose détachée, Poésie-Gallimard, trad. Cl.Couffon, 1979
Pourquoi ces matières si dures ?
Pourquoi pour écrire les choses
et les hommes de chaque jour
les vers s'habillent-ils d'or,
d'une effroyable pierre antique ?
Je veux des vers de toile ou de plume
qui pèsent à peine, des vers tièdes
avec l'intimité des lits
où les gens ont aimé et rêvé.
Je veux des vers déchirés
par les mains de chaque jour.
Je veux des vers feuilletés qui fassent fondre
le lait et le sucre dans la bouche,
l'air et l'eau se boivent
l'amour se mord et se baise,
je veux des sonnets comestibles,
des poèmes de miel et de farine.
...
Pablo NERUDA, Vaguedivague, Poésie-Gallimard, trad. Guy Suarès, 1971
Et pourquoi le soleil est-il un si mauvais ami
pour le voyageur du désert ?
Et pourquoi le soleil est-il si sympathique
dans le jardin de l'hôpital ?
Oiseaux ou poissons, que retient
la lune au creux de ses filets ?
Est-ce là où on me perdit
que j'ai fini par me trouver ?
Pablo NERUDA, La rose détachée et autres poèmes, trad. Cl.Couffon, Poésie-Gallimard, 1979