Une sacrée mamie, Yoshichi Shimada et Saburo Ishikawa, Delcourt, 2009
Douce pluie d'automne -
Dans les pages du manga
Ozu qui se cache
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Une sacrée mamie, Yoshichi Shimada et Saburo Ishikawa, Delcourt, 2009
Douce pluie d'automne -
Dans les pages du manga
Ozu qui se cache
LES JEUX ET LES RIS
La gallimarde se joue à la vente.
Les hostiles sont d'élite et se placent à la caisse, une thora en bandoule.
Le paulhan d'as vaut dix points.
La queninte d'atout vaut quatre points (et demi).
La gidolle de quarte, dite* aussi nobelle, vaut un point.
La curée se joue à la grand-guignolle.
Le commissaire distribue les hosties aux commissionnaires.
Celui qui a le plus d'hosties a droit au hamac de première.
La surrénale se joue en lieu-commun.
Est dit grand-surrénal qui a le plus de mow avec le moins de pliw.
La bloumisse est réservée aux intellèques.
Il s'agit de jongler avec des boulettes de bourre peintes en rose vif.
Le victorien est celui qui avale toutes les boulettes.
Il est sacré lèche-gaulle.
La troumaniaque se joue en banque anti-russe.
La bombatte vaut dix points.
Le véto moral est reservé aux possesseurs de bombatte.
La coloniale se joue à la grosse.
Un noir vaut un quart de point.
Dix jaunes valent un noir.
Une grosse est d'un million de points.
Le tueur qui lève dix grosses est mis en statue.
La belgeambe se fait** du côté sinistre.
Les plis se disent pluie.
Il s'agit de prendre un tramignoul par dix degrés sous zéro.
Christian DOTREMONT, 1948, Œuvres poétiques complètes, Mercure de France, 1998
* le texte dit "dit"
** le texte dit "faire"
Ce manque de rigueur nous semble préjudiciable à l'équilibre du jeu.
Eh vous... les deux saints Jean !...
les équinoxes furent plus subtiles, qui jamais n'ont ployé sous l'auréole
...
Deux par deux les oiseaux
dans la grande arche de l'air
dans un déluge de plumes
avec quoi j'écris ces poèmes
Deux par deux les poèmes
dans le grand déluge du langage
les rames de papier le "canot de l'amour"
avec quoi j'écris ces poèmes
Deux par deux image et poème
comme les guillemets
pour s'embrasser eux-mêmes
dans la grande arche de la mer de Chine
où je trempe les plumes
Deux par deux le ton la chanson
...
Christian DOTREMONT, Les jambages du cou, 1949 in Œuvres poétiques complètes, Mercure de France, 1998
Le plus parfait des verbes tu conjugueras, qatal, le verbe tuer, choisi pour l'exemple
pour rendre vie au Verbe retourné sous les sables - mais pas aux corps qu'on a précipités sous les cendres,
ce crime-là était presque parfait -
HISTOIRE
Quand la femme du village de pêcheurs m'a parlé
De son mari qui avait disparu
Et de la mer qui revient mourir devant sa porte soir après soir
J'ai gardé silence.
Je ne pouvais pas dire à la nacre de ses yeux
Ton bien-aimé reviendra, ou
La mer revivra.
(Il y a des jours où je n'arrive même pas à te dire
Un seul mot.)
T. CARMI, Prisme, 11 poètes israëliens contemporains, Obsidiane, 1990. (Trad. Emmanuel MOSES)
...
Laissez donc laissez
les morts décomposer
nos phrases d'errants
laissez-les s'acharner sur chaque lettre
tailler nos maux
trier nos joies
frapper dans le tas
Ils ont la clé
Ils sont les maîtres
avec leurs paroles et leurs gestes
essentiels
avec leur mot de passe
pour l'éternité
...
Edmond JABÈS, Marche à vif jusqu'à l'homme, NRF Poésie/Gallimard Télérama, 2015
...
Le silence qui complète le texte dans le village du pêcheur, de l'homme des champs,
Lieu où main mauvaise n'a pas porté d'ombre,
M'a appelé. Je pense aux descendants
Des animaux anciens qui se frayent une existence
Entre les icebergs de la mer de Behring, et que
Le courage me manque d'être parmi eux -
La crainte du froid gagne en moi comme l'obscurité.
Je me contente d'un lac, d'une pente, d'un nuage cassé
Au sommet d'une montagne, pareil à une fumée s'échappant d'un cratère,
De la voix intérieure qui a remué en moi une appartenance
Et dont j'ignore le sens, en vérité.
Yaïr HOURVITZ, Prisme, 11 poètes israëliens contemporains, Obsidiane, 1990. (Trad. Emmanuel MOSES)