Ce n'est pas au galop,
mais au pas, et au pas seulement
que la terre-jument
progresse.
Le fouet ne lui fait pas presser le pas,
non plus que la prière
...
Milan RUFUS, L'inquiétude du cœur, La Différence, 2002
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Ce n'est pas au galop,
mais au pas, et au pas seulement
que la terre-jument
progresse.
Le fouet ne lui fait pas presser le pas,
non plus que la prière
...
Milan RUFUS, L'inquiétude du cœur, La Différence, 2002
...
Tu vas dans la rue, et ton monde avec toi, et ainsi tu ne bouges pas. Tu peux te hâter, tu peux faire croire que tu te presses : tu es là au milieu de ton monde, identique à toi-même, toujours pressé et toujours immobile. Tu es assis en toi-même, face à ton reflet.
...
Gérard PFISTER, Blasons du corps limpide de l'instant, Arfuyen, 1999
Cent portes
ouvertes
sur
- on ne sait quoi.
Les arceaux
couverts de glycines,
les linteaux gravés
d'énigmatiques
blasons,
cent porches
de lumière
grands ouverts
en l'unique présent.
Et quel invisible obstacle
toujours nous empêche
de les franchir,
nous laisse
sur le seuil interdits ?
Gérard PFISTER, Blasons du corps limpide de l'instant, Arfuyen, 1999
il s'applique à prendre des notes sur un cahier, assis parmi les étudiants
il tique à peine quand le conférencier affirme que la poésie est là pour aggraver les choses et non les arranger ; qu'il faut meurtrir les mots, mettre la corde au cou du sens, aller ainsi jusqu'au brutal néant de tout
il pense à la beauté du jus très noir que les peintres obtenaient jadis en écrasant des scarabées
...
Jean-Claude PINSON, Abrégé de philosophie morale, Champ vallon, 1997
...
Car l'eau est la sœur grise du poème
qui chante la paix des profondeurs de la terre.
Et si tu n'étouffes pas la chanson de ton poing
tu ne feras pas taire l'eau dans les entrailles de la terre.
Et si tu n'étouffes pas l'eau de ton poing,
tu ne feras pas taire le chant dans la poitrine de l'homme.
Milan RUFUS, L'inquiétude du cœur, La Différence, 2002
Tu ouvres mon temps à la hache.
Le sang des heures coule sur les reliefs
d'autant de repas manqués. Communion
sans pain, sans remords et sans gloire.
Nous croyions savoir dire ensemble
comment c'était avant, quand
nous étions des chevaux sauvages,
sans mors et sans cravaches,
sans l'éperon des horloges.
Je me trompais.
La mer s'est retirée,
tu reprends tes images, tes cadences
et me laisses à la plage
avec des coquilles vides.
Le chant du vent déborde l'horizon,
je t'appelle de ma voix rauque.
Je regrette mes regrets.
Mais je traverse ton fantôme
à la recherche de ma vie.
Rose-Marie FRANÇOIS, La saga dÎchanâs, Le Taillis Pré, 2007
Les doigts tachés
d'encre ou de pomme,
j'écris
des crimes
d'amours folles,
des rimes
à rien.
Ô enfance rêvée
des rêves mort-nés,
nos mains se croisent
sur le sabre
qui leur crève les yeux.
Rose-Marie FRANÇOIS, La saga dÎchanâs, Le Taillis Pré, 2007
Les lichens
Je marchais parmi les bosses d'une terre écurée, les haleines secrètes, les plantes sans mémoire. La montagne se levait, flacon empli d'ombre qu'étreignait par instant le geste de la soif. Ma trace, mon existence se perdaient. Ton visage glissait à reculons devant moi. Ce n'était qu'une tache à la recherche d'une abeille qui la ferait fleur et la dirait vivante. Nous allions nous séparer. Tu demeurerais sur le plâteau des arômes et je pénétrerais dans le jardin du vide. Là, sous la sauvegarde des rochers, dans laplénitude du vent, je demanderais à la nuit véritable de disposer de mon sommeil pour accroître ton bonheur. Et tous les fruits t'appartiendraient.
René CHAR, Les matinaux, Gallimard, 1950