Le lierre
Mer d'oreilles attentives, que te dit-elle la pierre ?
Tu glisses sur les tombes, tu collectionnes des noms,
tu frissonnes quand le vent de l'été te réveille
pour explorer tes mains et leur ravir les voix
que tu rassembles minutieux, masquant le temps,
veilleur des dialogues et des adieux fièvreux.
Ton rêve solitaire veille sur les tombes
ô origine des langues, ô lierre frémissant
où peu à peu la nuit des morts se réunit -
En vain les jeux de la tempête te réclament ;
les fontaines de lumières et les statues du jour,
depuis longtemps t'attendent pour s'offrir dénudées
tandis que toi, reclus, tu habites les stèles.
Julio CORTÁZAR, Crépuscule d'automne, José Corti, 2010, trad. S.Baron-Supervielle