Caliban
Les mots m'échappent,
qu'ils s'envolent !
Créature lourde, entravée,
que je ne les retienne pas
eux qui me viennent, légers,
d'un espace sans mesure
interdit à mes pas.
Paul de ROUX, La halte obscure, Gallimard, 2014
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Caliban
Les mots m'échappent,
qu'ils s'envolent !
Créature lourde, entravée,
que je ne les retienne pas
eux qui me viennent, légers,
d'un espace sans mesure
interdit à mes pas.
Paul de ROUX, La halte obscure, Gallimard, 2014
La ville que nul rayon ne saisit, n'enlace, ne réchauffe
laisse cependant circuler ses enfants pâles et dans ses rues
et dans la voie lactée - même s'ils ne savent pas
que toute artère a son double entre les étoiles
et si la terre se tait en chaque motte brune
c'est qu'elle n'a jamais cessé de parler
avec les langues des peuples vivants et des peuples morts
ainsi que quelques uns l'ont perçu, épelant
le vers grec ou russe - et ce n'est pas peu de choses non plus
que les lèvres qui épellent et le doigt qui suit le texte
soient faits d'argile ainsi qu'il a été dit.
Paul de ROUX, Le front contre la vitre, Gallimard, 1993
Bas
La nuit n'est pas finie que le merle parle un peu
comme dans un ravin, dans l'ombre, très bas :
petits crissements de noix dans le poing
quelque chose qui n'éveillera personne - la nuit
la nuit encore partout avec ses appels de sirènes lointaines
le merle de dessous le plancher, dans le noir :
cuisine à l'aube, corps gourds
préparatifs autour d'une cafetière, si les mots passent
c'est entre les lèvres qui se déclouent, sommeil
fatigue, aube froide, toutes sortes de feuilles
à lever pour trouver un ver.
Paul De ROUX, Le front contre la vitre, Gallimard, 1993
"C’est la poésie qui vous tient par la main, le temps d’un poème. Le poète n’existe pas. Car il n’a aucun pouvoir sur la poésie. (Un sabotier mérite d’être appelé sabotier en ce qu’il a le pouvoir de faire des sabots quand il décide de se mettre à son établi.)"
(Paul de Roux, Au jour le jour, 3, Carnets 1985-1989, Ed. Le temps qu’il fait)
On peut aussi, au contraire, voir le poète comme un artisan consciencieux.
Et dès lors, la grâce, l'inspiration s'évanouissent. Ne reste que le labeur.
Et ce n'est plus la poésie qui prend le poète sur son aile, mais l'homme qui se fait, en même temps que son oeuvre.