
Sous le velours exalté des langues, le luxe barbare des muqueuses.
Annie LE BRUN, Ombre pour ombre, Gallimard, 2004
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Sous le velours exalté des langues, le luxe barbare des muqueuses.
Annie LE BRUN, Ombre pour ombre, Gallimard, 2004

La ville que nul rayon ne saisit, n'enlace, ne réchauffe
laisse cependant circuler ses enfants pâles et dans ses rues
et dans la voie lactée - même s'ils ne savent pas
que toute artère a son double entre les étoiles
et si la terre se tait en chaque motte brune
c'est qu'elle n'a jamais cessé de parler
avec les langues des peuples vivants et des peuples morts
ainsi que quelques uns l'ont perçu, épelant
le vers grec ou russe - et ce n'est pas peu de choses non plus
que les lèvres qui épellent et le doigt qui suit le texte
soient faits d'argile ainsi qu'il a été dit.
Paul de ROUX, Le front contre la vitre, Gallimard, 1993

grand feu
langues de hasard
sur la terre
sortie du four
polaroid des anciens

Au plus sûr, c'est par étouffement qu'on efface les langues, qui coloraient les mappemondes
en les remplaçant par celles des vainqueurs, couverts soit de sang soit d'argent
ou sans autre ennemi que négligence, faute d'air dans nos paroles, de mémoire dans nos poumons

C'est un vieux débat de linguistes: cette expression, consacrée, signifie-elle que l'Hébreu est une "langue sainte" ou "une langue de sainteté"?
La frontière entre les deux interprétations, mieux qu'un mur, sépare des routes divergentes.
L'une aboutit bien vite à la certitude, au dogme, à l'autorité, tandis que l'autre chemine rêveusement entre doute et recherche.