Un bon souvenir de lecture.
Plus que cinquante ans et 2 jours à attendre, et je pourrai dire qu'il parle de moi...
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Luc BÉRIMONT PAREIL au BOEUF
Crié d'en-bas
Mon Dieu ! qui m'acculez comme une bête, entre mon père et mon enfant
Quel sang donc versez-vous dans ce tonneau sans fond ?
Pour qui tremblent nos os, fichés dans l'éventaire
De la boucherie rouge où vous ouvrez nos mères
Éventrant une espèce en lui jetant le ciel
Soldant les bas morceaux tombés de votre étal
Lavant à grands seaux d'eau le carreau terminal
Et nous laissant muets, le souffle à ras de terre
Pareils au boeuf lié qui voit l'homme aux bras secs
Lever la masse en fonte et viser dans sa vie
Quand son front fait un bruit de solive pourrie ?...
Luc BÉRIMONT, Les mots germent la nuit, 1951, Poésies complètes Tome 1,
Le Cherche-midi éditeur / Presses univeritaires d'AngersRembrandt, Le boeuf écorché, 1655, Musée du Louvre
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Nicolas BOUVIER : l'AUTRE FAÇON de MARQUER un BUT
En fin d'après-midi, les radios prises dans la journée sont passées dans un vétuste épidiascope et projetées sur un drap pour notre édification. Poumons mités, bronches d'étoupe, échines mangées d'ostéoporose. Nous étions tous là à jouir du spectacle, à voir défiler fressures et anatomie ravagées avec des "oh !" et des "ahh !" des "chut !", excités et rigolards comme au cinéma. Nous sommes loin du centre et les distractions ne sont pas si nombreuses. Quand sont apparues mes vraies pompes à air de riche, à peine ombrées et entamées, ça a presque été l'ovation. Comme si j'avais marqué un but en solitaire. Tous ces souffreteux se réjouissaient en somme de me voir si bien équipé pour leur survivre.
Nicolas BOUVIER, Le poisson-scorpion, 1982, Gallimard.
Nicolas BOUVIER, un attaquant Suisse que les Bleus devront surveiller...
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CHAMBRE en FILIGRANE
Garder la musique de basse
à air à part
Femme de la haute
à coucher en ville
en enfilade particulière d'amis
avec doucheChambre en cours d'élaboration, notamment sa troisième dimension, indispensable à la santé de mon dos.
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Le SONNET des FOOTBALLEURS
les voyelles de Rimbaud, toujours contestées - A noir, I rouge, U vert - on les aurait aimées violines, ou autres
c'est un destin de footballeur, Sakho, Rémy, Valbuena sont aussi dénigrés, ou jugés pas assez verts
soixante millions de sélectionneurs et presque autant de poètes ? -
POÉSIE de SEMPÉ ou AVEC un GRAND P ?
"Poétique" est l'adjectif de la louange partagée. D'une exposition, d'une installation, d'une chanson, d’une silhouette on dira aujourd’hui qu'elles sont "poétiques". Le prédicat est ici moins descriptif qu’évaluatif. "Poétique" signifie tour à tour mystérieux, beau, profond, singulier, frappant.
Mais on assiste, aujourd’hui, en France, à un phénomène sémantique qui ne doit pas passer inaperçu : non seulement le nom "poésie" (descriptif en tant qu’il désigne une activité symbolique qu’on a pendant des siècles identifiée comme "art du langage") dont l'adjectif "poétique" (évaluatif) est tiré n'est plus considéré comme son porteur naturel, mais encore on va jusqu’à dénier aux poètes la poésie qu’on prête aux non-poètes. Ce n’est plus la poésie des poètes qui est poétique.
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On peut donc dire qu’aujourd’hui, en France, la poésie est célébrée dans la mesure même où c'est la "non-poésie-des-non-poètes".Martin RUEFF, le Monde du 21 mai 2013, et aussi sur Poézibao.
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Par BÉRIMONT et par VAUX
Je demande quel paradis offrirait la simple richesse de ce mot paysan. Cette volonté sensuelle de toucher, sans profit, aux cheveux de la terre ?
Luc BÉRIMONT, La huche à pain, 1943.
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REVUE VERSO
L'argent
Entre pralines et manèges, la foule piétine serpentine comme s'insinue la monnaie qui, de la poche de papa vers la pogne du moustachu, glisse sur les plumes de canards en plastique et revient en forme de bolide, pour prix d’une trop rapide pêche
puis repart et ricoche, mitraille perçant la baudruche, tamponne sous les peluches des inconnus, fond entre les néons et sous la langue, mi-fraise mi-vanille
et les mains dans les poches on rentre chocolat, assourdi de flon-flons, essoré comme au sortir du grand huit, trébuchant et sonné par bafles et néons, si larges dans la dépense, face aux miroirs grossissants
Revue verso n° 157.
Toute l'originalité de ce selfie réside dans l'absence de son auteur.