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Entre le faire et le voir,
action ou contemplation,
j'ai choisi l'acte des paroles :
les faire, les habiter,
donner des yeux au langage.
La poésie n'est pas la vérité :
elle est résurrection des présences,
histoire
transfigurée en vérité du temps sans date.
La poésie,
comme l'histoire, se fait ;
la poésie
comme la vérité, se voit.
La poésie :
incarnation
du soleil-sur-les-pierres en un seul nom,
dissolution
du nom dans l'au-delà des pierres.
La poésie,
pont suspendu entre histoire et vérité,
n'est pas un chemin vers ceci ou cela :
c'est voir
la quiétude dans le mouvement,
le passage
dans la quiétude.
L'histoire est le chemin :
en marche vers nulle part,
notre chemin à tous,
le parcourir est notre vérité.
Nous n'allons ni ne venons :
nous sommes dans les mains du temps.
La vérité :
nous savoir,
dès l'origine,
en suspens.
Fraternité sur le vide.
Octavio PAZ, Le feu de chaque jour, Trad. Cl. Esteban, Gallimard 1979.
octavio paz
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Octavio PAZ : la QUIÉTUDE dans le MOUVEMENT
-
Octavio PAZ FACE au TEMPS
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Le temps ne cesse pas de couler,
le temps
ne cesse d'inventer,
ne cesse
d'effacer ce qu'il invente,
et ne cesse
le flot des apparitions.
Les bouches du fleuve
disent les nuages,
les bouches humaines
disent les fleuves.
La réalité a toujours un autre visage,
le visage de tous les jours,
celui que nous ne voyons jamais,
l'autre visage du temps.
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Octavio PAZ, Le feu de chaque jour, Trad. Cl. Esteban, Gallimard 1979.