Peuples de la terre
vous qui avec la force des astres inconnus
vous enroulez comme des écheveaux,
vous qui cousez et redéfaites ce qui a été cousu,
vous qui vous élevez dans la confusion des langues
comme dans des ruches
pour piquer
dans l'exquise douceur
et être piqués -
Peuples de la terre,
ne détruisez pas l'univers des paroles,
ne découpez pas avec les couteaux de la haine
le son qui fut enfanté en même temps que le souffle.
Peuples de la terre,
Ô que nul ne pense mort quand il dit vie -
et nul ne pense sang quand il pense berceau -
Peuples de la terre,
laissez les paroles à leur source,
car ce sont elles qui peuvent faire avancer
les horizons dans les vrais ciels
et de leur face cachée,
tel un masque derrière lequel bâille la nuit,
aider à enfanter les étoiles -
Nelly SACHS, Éclipse d'étoile, trad. M.Gansel, Verdier, 1999