RITUEL VII
C’est quoi qui vient s’asseoir ici et anonyme
dans le métro et
rend notre œil inapte à
tout autre usage pendant
des heures ? Aujourd’hui c’est la Méditer-
ranée orientale, elle
s’assoit juste là, complexion
mate, précise
et légère courbe du nez, la
bouche bouton de rose d’une princesse perse, mais dé-
jà lèvres trop pleines
en haut et
en bas et peut-être la seule, la drôle, la grande
putain de Port Saïd ou de Babylone qui professorale s’assoit
ici maîtrisant le crayon à paupière, l’om-
bre parfaite, une
autre ombre se promenant sous les pommettes quand elle se
tourne pour voir le numéro ou le nom
de la station, la courbe précise, des yeux perses
arabes, afghans, indiens, pakistanais, libanais
noirs, noirs, égyptiens, mésopotamiens, bouche pâle, pâle
Elle descend à Union
Square et demande
à une vieille et gaillarde Irlandaise
la direction de la correspondance
Un dernier regard
le métro démarre lentement, trop
lentement, elle reste là,
jambes écartées sous un manteau noir de fausse fourrure, elle
reste juste là, sans fin, ne choisissant
ni une direction ni l’autre, reste
là sur le quai d’Union Square
toute l’histoire de la Méditerranée orientale entre les cuisses
réfléchissant
Paul BLACKBURN, Acton Poétique n° 203, mars 2011.