
À la tempête près
Rien n'est à sa place
Des effilures de ténèbres
Nous relient à la vie
Des éclats de sens
Dans la poitrine
Nous voici
Marcheurs translucides
Dans les gousses du soir
Le gibet de la neige
Sur les épaules
Du côté des sapins
Les défenses rôdeuses
Empennées de nonchalances obscures
Dernier et inutile frôlement verbal
La citadelle des gestes
Vacille
Au pied du mur
C'est la terre ouverte
La terre minutieuse
La terre flagrante
Avec ses massifs de luxuriance fongueuse
Et ses falaises d'innocence
Puis
La grande allure
Stridente
Hurlante
Assourdissante
De vertiginaeux drapés de limpidité
Trouvent la mort
Dans le bouillonné de la vie
D'une rive à l'autre
Juste avant d disparaître
Le jour et la nuit
Ont jeté les caillebotis tremblés
De leurs empires appâlis
Enfin l'immense détour
Hypnagogique
Souverain
Algide
Sur des pilotis de disparition immédiate
Ne nous dites rien
Ne nous parlez plus
Emmurée derrière les remparts du vent
La démence
Étalant ses ailes de sang givré
Jusqu'au gouffre fluide
De ma couronne de bruyère et de chèvrefeuille
Emportée dans l'insoutenable luisance des nuages
Tous les paradisiers de l'eau
Nous encerclent
En lambris d'écume
Définitive
Barbare
Éblouie
C'est la nudité déployée entre les racines du cœur.
Annie LE BRUN, Ombre pour ombre, Gallimard, 2004