C'est le drame de la traduction qui me tourmente. Se traduire soi-même, c'est déjà un drame, - je veux dire faire passer la vie par des mots, parfois c'est presque la faire passer par les armes ; parfois c'est l'éterniser, parfois c'est l'embaumer, parfois c'est la faire vomir ou mentir, parfois c'est la faire jouir, mais on ne sait jamais s'il va arriver malheur ou bonheur, naissance ou suicide, avant de commencer. Mais traduire quelqu'un d'autre, cela demande le plus extrême orgueil ou la plus extrême humilité.
Hélène CIXOUS, Le livre de Promethea, Gallimard, 1983